Nations Unies — L'année 2023 a été la plus violente depuis des décennies, le nombre de conflits étatiques explosant pour atteindre leur plus haut niveau depuis la Guerre froide.
Lorsque les crises frappent, leurs répercussions affectent les femmes de façon disproportionnée. Alors que les forces combattantes sont généralement composées d'hommes, les femmes et les enfants représentent plus des deux tiers de la population civile tuée dans les conflits. Les femmes et les filles constituent également l'écrasante majorité des personnes ayant subi de la violence sexuelle liée aux conflits.
« Le destin de l'humanité n'est pas entre les mains des hommes tenant des bombes », a déclaré la Dr Natalia Kanem, directrice exécutive de l'UNFPA, l'agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive. « [Elle est] entre celles des femmes et de leurs allié·e·s pour la paix. »
Pourtant, les processus de consolidation de paix sont bien trop souvent présidés par des forces armées et des responsables politiques à dominante masculine. Alors quel est le rôle des femmes et des jeunes dans la promotion de la paix ? Et comment l'UNFPA les encourage-t-elle à y prendre part ?
Qu'est-ce que la consolidation de paix ?
La consolidation de paix comprend tout le spectre des mesures nécessaires pour réduire le « risque d'émergence ou de résurgence des conflits en renforçant les capacités nationales de gestion des conflits et en jetant les bases d'une paix et d'un développement durables ».
Ainsi, la consolidation de paix implique bien plus que les négociations visant à mettre fin aux guerres : elle requiert des mesures plus larges pour prévenir, atténuer et éliminer les conflits avant qu'ils ne dégénèrent violemment, et notamment des efforts pour lutter contre les déséquilibres de pouvoir et les inégalités au sein de la société.
Quel est le rapport entre égalité des genres et paix ?
L'égalité, notamment l'égalité des genres, est une condition sine qua non à l'instauration d'une paix durable. Les études révèlent par exemple que le droit de vote des femmes a réduit de façon historique la probabilité de conflits inter-États.
L'inégalité entre les genres, cependant, est susceptible d'alimenter les cycles de violence. Les normes de genre qui dictent la façon dont les hommes devraient se comporter, par exemple celles associant masculinité et agression, peuvent être servir de véritable arme afin de recruter des hommes pour le combat.
À travers le monde, l'UNFPA oeuvre pour faire évoluer ces normes, de sorte qu'elles favorisent la paix, et non qu'elles perpétuent les conflits. Au Kenya, cette mission prend la forme du programme Nitasimama Imara, qui vise à encourager les hommes et les garçons à militer pour l'égalité des genres.
« Cultiver des défenseurs pour lutter contre la violence basée sur le genre contribuera à promouvoir la paix au sein de nos communautés, ce qui bénéficiera finalement à l'ensemble de la société », explique Ruth Wachera, Commissaire adjointe du comté de la division de Kapenguria.
Pourquoi est-il essentiel d'inclure les femmes et les jeunes dans les processus de consolidation de paix ?
Les études révèlent qu'inclure les femmes dans la consolidation de la paix augmente la probabilité de parvenir à des accords et de les respecter. Il a également été prouvé que les jeunes agissant en faveur de la consolidation de la paix contribuent à contenir les niveaux de violence et facilitent les relations pacifiques. En outre, leur implication peut générer un plus grand soutien aux mesures favorisant la réconciliation, essentielles pour assurer une paix durable.
En Somalie, l'UNFPA soutient un programme destiné à doter les jeunes des capacités nécessaires à leur implication dans le processus de consolidation de paix du pays. Deux jeunes hommes, Jamal* et Ismail*, expliquent qu'avoir participé au programme les a fait changer d'avis.
« Avant on était des petits gangsters, on se faisait recruter ou bien même on était volontaires pour prendre part aux combats entre clans », témoigne Ismail.
« Certains d'entre nous se sont repentis », explique Jamal. « Nous participons désormais activement à préserver la paix de la ville. »
Quel est le lien entre paix et droits en matière de santé sexuelle et reproductive ?
L'exercice des droits en matière de santé sexuelle et reproductive crée des conditions favorables à la paix, et inversement. « Lorsque les femmes ont une voix et qu'elles ont le choix, lorsque les femmes sont indépendantes sur le plan économique et lorsqu'elles prennent part aux systèmes sécuritaire et judiciaire, le relèvement post-conflit s'en trouve accéléré et les taux de violence et de mauvaise conduite chutent », a déclaré la Dr Kanem.
La participation des femmes à la consolidation de la paix dépend également de la mesure dans laquelle elles peuvent évoluer dans la société, sans qu'aucune menace de violence ne plane sur elles. Il s'agit là d'un principe fondamental de la santé sexuelle et reproductive et des droits qui y sont associés.
Les conflits, en revanche, détruisent les systèmes de santé, sapent la possibilité pour les femmes d'accoucher en toute sécurité, rompent l'accès aux fournitures essentielles comme les contraceptifs, et aggravent le risque de violence basée sur le genre. « Les femmes sont sans cesse contraintes de faire face aux conséquences les plus terribles de guerres qu'elles n'ont pas commencées », affirme la Dr Kanem.
De quelle façon le travail de l'UNFPA favorise-t-il la paix ?
Entre 2007 et 2024, l'UNFPA a mis en place 158 programmes « Les jeunes, la paix et la sécurité » à travers le monde. Sa mission vise également à favoriser l'indépendance des femmes et des jeunes et à garantir leur inclusion dans la consolidation de la paix. Au Burkina Faso, l'une de ces initiatives a offert aux femmes à la tête d'organisations féminines une formation dédiée au journalisme mobile et à la vérification des faits, avec pour objectif plus large de les inspirer à créer du contenu équilibré et mesuré au sujet de leur contribution en faveur de la consolidation de la paix et du processus de transition politique du pays.
Enfin, aux Philippines, l'UNFPA a apporté son soutien pour former d'anciennes combattantes de la Région autonome bangsamoro en Mindanao musulmane, affectée par les conflits, et leur permettre de devenir travailleuses parasociales. « Je ne pensais pas pouvoir un jour avoir une telle opportunité », déclare Saima, désormais militante communautaire dans la lutte contre la violence basée sur le genre et plus particulièrement contre le mariage d'enfants. « Auparavant je tenais des armes, désormais je tiens un crayon et un micro. »
* Les noms ont été modifiés pour garantir l'anonymat et la protection des personnes.