Le président malgache Andry Rajoelina (2e à dr.), le nouveau secrétaire général de la COI, Edgard Razafindravahy (à g.), l'ambassadeur de Madagascar à Maurice, le général Camille Vital (au centre), conversant avec le Premier ministre Pravind Jugnauth, lundi, lors de la cérémonie d'investiture à l'hôtel «Hilton»
La création d'un espace agricole de la commission de l'océan Indien qui favorisera la revalorisation des terres pour la production de denrées essentielles : tel est le projet que caresse Edgard Razafindravahy, le nouvel homme fort de cette instance. L'ex-ministre de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation de Madagascar et actuellement le président directeur général du groupe PREY qui compte deux quotidiens de presse écrite, «L'Express de Madagascar» et «Ao Raha», deux chaînes radio, une chaîne de télévision, une imprimerie et une minoterie.
La sécurité alimentaire et nutritionnelle a toujours été une préoccupation majeure de la Commission de l'océan Indien (COI). Cette entité intergouvernementale qui regroupe les États membres dont La Réunion, Madagascar, Maurice, les Seychelles et l'union des Comores, depuis la signature, en 1984, de l'accord général de coopération, plus connue comme l'accord de Victoria, avec notamment la mise en place du programme régional de sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Cependant, avec l'entrée en scène d'Edgard Razafindravahy, dixième secrétaire général de la COI, dont l'investiture a eu lieu lundi lors d'une cérémonie à l'hôtel Hilton, Flic-en- Flac, l'intérêt de la COI pour que l'importance attachée à la sécurité alimentaire et nutritionnelle puisse franchir un nouveau palier de développement est une démarche acquise. Le mandat de quatre ans du nouveau patron de la COI s'articulera autour de la sécurité alimentaire, qu'il décrit comme la priorité des priorités. Il en a lui-même fait état dans son intervention.
Les facteurs qui l'ont incité à faire ce choix sont notamment le fait que la sécurité alimentaire est un défi qui concerne tous les États membres ; qu'elle déterminera, en grande partie, la capacité des pays membres de manifester leur capacité à bâtir un avenir commun ; est un enjeu crucial, parce qu'elle touche à la vie de tout un chacun ; est un enjeu, nutritionnel, sanitaire, social, environnemental et économique ; est un enjeu qui est aussi lié à celui de la connectivité maritime, essentiel pour les échanges commerciaux entre les îles de la région de l'océan Indien.
Quelle est donc sa proposition pour que cette vision des choses se matérialise ? Il s'agit de mise en place d'un espace agricole de la COI. «Un espace où nous pourrons, ensemble, mettre en valeur nos terres de manière collaborative et produire des denrées essentielles, comme le maïs, les grains secs ou l'oignon. Ce projet représente une opportunité unique pour chaque pays de la région d'y participer activement et d'en récolter les fruits. Cependant, pour que cela fonctionne, il faut l'engagement de chacun d'entre nous et à tous les niveaux, des champs jusqu'au sommet de l'État», a-t-il souligné. Madagascar n'a certainement pas pris en main la destinée de la COI pour les quatre prochaines années pour ne pas y laisser son empreinte. Lorsqu'Edgard Razafindravahy évoque une initiative qui revendique une participation du plus bas niveau jusqu'au sommet de l'État, il ne parlait pas comme une voix esseulée dans un désert anonyme.
Son président, Andry Nirina Rajoelina, est en parfait accord avec la vision du nouveau secrétaire général de la COI. Cela, sur la base d'une conviction partagée : avec ses importantes surfaces de terres arables, Madagascar a tout le potentiel pour s'offrir le statut de grenier des pays de la région sud-ouest de l'océan Indien. Lors de son intervention, le président Andry Nirina Rajoelina a présenté un raisonnement de taille pour soutenir sa conviction que les pays membres de la COI fassent de la sécurité alimentaire, un objectif à atteindre par tous les moyens.
Il est revenu sur le fait que les grandes superficies de terres arables de son pays constituent un élément clé dans le cadre de l'ambition dont les pays membres de la COI veulent se doter pour atteindre un niveau confortable de sécurité alimentaire. Andry Nirina Rajoelina a donné un exemple d'opportunités ratées sur ce plan. Il a cité le cas de Maurice, qui importe d'importants volumes de maïs de l'Argentine. Une façon indirecte de rebondir sur ce que le nouveau secrétaire général venait de dire, à savoir que la mise en place éventuelle d'un projet d'espace agricole de la COI constitue effectivement «une opportunité unique pour chaque pays de la région d'y participer activement et d'en récolter les fruits».
Edgard Razafindravahy ne compte pas limiter son désir de voir la COI se doter d'un tel projet d'espace agricole uniquement dans le cadre spécifique dont dispose la commission. En novembre, il se verra offrir sur un plateau la possibilité d'évoquer sur une plateforme plus importante la nécessité de réaliser ce projet d'espace agricole. Ce sera dans le cadre des travaux du cinquième sommet des chefs d'État et de gouvernement qui aura lieu dans la Grande île. «Je souhaite que le secrétariat de la COI fasse des propositions concrètes à la conférence ministérielle sur la sécurité alimentaire prévue en novembre et au cinquième sommet des chefs d'État et de gouvernement.»
Le projet d'Edgard Razafindravahy a non seulement reçu un écho favorable aux yeux de son président, Andry Nirina Rajoelina, mais aussi auprès de Pravind Jugnauth, Premier ministre de Maurice, qui, avec Andry Nirina Rajoelina, ont été les deux seuls chefs d'État des pays membres de la COI à être physiquement présents pour la cérémonie d'investiture du dixième secrétaire général. «Maurice souscrit à l'ambition de la COI annoncée le 15 juillet pour faire avancer les chantiers structurant pour la région avec la relance du programme régional de sécurité alimentaire et nutritionnelle visant à créer une filière régionale de production agricole et de produits alimentaires au prix mondial pour l'ensemble de nos pays», devait indiquer Pravind Jugnauth.
En effet, le jour de sa prise de pouvoir en tant que secrétaire général de COI, le 15 juillet dernier, le successeur du Pr Vêlayoudom Marimoutou avait fait la déclaration suivante concernant les orientations qu'il se proposait d'instaurer : «Je m'attacherai à faire avancer les chantiers structurants pour la région, notamment la sécurité alimentaire en relançant le programme régional de sécurité alimentaire et nutrition, le PRESAN, et la connectivité maritime.» Il devait souligner que ces deux enjeux «seront cruciaux pour faire émerger une région d'échanges commerciaux croissants». Il a aussi donné des indications par rapport aux moyens susceptibles d'atteindre de tels objectifs. «Pour cela, nous devrons aussi capitaliser sur les initiatives en cours s'agissant de la coopération douanière et de mise en place d'un dispositif régional d'achats groupés.»
De son côté, dans son discours prononcé par l'intermédiaire de Jean François Ferrari, ministre des Pêches et de l'Économie bleue, Sylvestre Radegonde, président du Conseil des ministres de la COI, est allé à l'essence même de cet élan qui a favorisé l'émergence en 1984 de la COI. «Nous sommes les bâtisseurs de la coopération régionale, les architectes d'une époque en pleine mutation.
La COI, au-delà de son existence institutionnelle, repose sur l'engagement déterminé des femmes et des hommes qui la font vivre. Notre mission collective transcende les simples intérêts individuels. L'Indianocéanie n'est pas une juxtaposition de pays, mais une entité unifiée, dont la force réside dans l'harmonisation des ambitions nationales au service d'un dessein commun. Travailler au nom de cette région exige de conjuguer les intérêts de chaque membre pour le bien commun. Notre action est animée par une ambition claire : offrir à chaque Comorien, Malgache, Mauricien, Réunionnais et Seychellois des perspectives concrètes pour une vie meilleure, dans une région prospère, solidaire et durable.»