Vous avez sans doute vu et entendu l'avocat Siv Potaya raconter comment sa fille de huit ans a été sauvagement mordue par des chiens errants au Jardin botanique de Curepipe. Elle n'est pas la seule victime de ces bêtes. Il y en a eu d'autres mais malheureusement, celles-ci n'en ont pas parlé en public. Normalement, les chiens ne sont pas autorisés dans ce genre de lieu. Un marcheur ou un promeneur qui y emmène son chien, même en laisse, est passible d'une contravention, comme à Trou-aux-Cerfs, par exemple. Mais qu'en est-il des chiens errants ?
Ce qui est certain, c'est que de féroces canidés ont élu domicile au Jardin botanique de Curepipe. Un Curepipien raconte avoir été attaqué en ce lieu en 2023 par deux chiens alors qu'il voulait acheter des plantes. Lorsqu'il en a fait le reproche au gardien employé par une agence privée, celui ci, furieux, lui a répliqué : «Gete ki ou le fer...»
Nous en avons parlé à un fonctionnaire employé à la pépinière. Ce qu'il nous a raconté est stupéfiant. Premièrement, dit-il, ces gardiens sont intouchables. Ils font la pluie et le beau temps et semblent ne rendre des comptes qu'à leur patron, qui lui-même ne rend compte qu'en haut lieu. Deuxièmement, et c'est le plus édifiant, ce fonctionnaire nous apprend que ces gardiens se font aider dans leur travail par des chiens qu'ils emmènent sur le site ou qu'ils attirent en leur donnant à manger.
Des fantômes visiteurs
Des chiens pour protéger le jardin ou les gardiens ? avons nous voulu savoir. Explications de notre interlocuteur : «Un jour, j'ai demandé au gardien pourquoi il s'entoure de chiens. Il m'a répondu que ce n'est pas pour le protéger des voleurs. Que viendra t-on voler dans un jardin botanique ? Non, le gardien a peur des fantômes et quand le chien aboie, m'a-t-il dit, il fait fuir le spectre, invisible ou pas.» L'environnement isolé et surtout les arbres majestueux auraient donné des idées au gardien. Incroyable !
C'est un fait que des vigiles, en service de nuit dans presque tous les bâtiments et sites publics, attirent parfois des chiens errants en les nourrissant et en étant amicaux avec ces bêtes. Mais ces chiens sont très hostiles envers les étrangers. Ainsi, au Jardin botanique de Curepipe, les chiens perçoivent les promeneurs comme des intrus qu'il faut à tout prix chasser. Les joggeurs sont les plus en danger. Pour un autre Curepipien, «les chiens errants ont colonisé le Jardin botanique de Curepipe, qui est devenu infréquentable.» Il nous explique qu'il a arrêté d'y emmener ses petits-enfants depuis longtemps en raison de la présence de ces chiens à caractère imprévisible. C'est sans compter leurs déjections, les poubelles qu'ils renversent ou leurs aboiements, qui troublent la tranquillité du lieu.
Nous avons évoqué ce problème de chiens errants avec le nouveau maire de Curepipe, Samy Chellen. Il ne pense pas que ce soient les gardiens qui y emmènent ces bêtes mais il reconnaît qu'en leur jetant peut-être des restes de repas, les gardiens attirent ces chiens. Contrairement au Jardin de Pamplemousses, le Jardin botanique de Curepipe n'est pas entièrement clôturé. Samy Chellen estime qu'il sera, de toute façon, difficile de surveiller les animaux errants mais il assure qu'il a contacté la Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW) pour que ses employés se rendent sur place et attrapent trois chiens errants.
À quoi sert un jardin si on a peur de s'y promener ?, se lamente un Curepipien.
La peur des arbres et des «move zer»
La nature semble effrayer de nombreux Mauriciens, mal heureusement. Un Curepipien nous raconte comment son voisin le harcèle pour qu'il abatte un grand arbre se trouvant dans sa cour. «Il a peur lorsqu'il entend le bruissement des feuilles le soir.» Voilà peut-être une explication pour la haine de certains Mauriciens envers les arbres. Et la présence de chiens chez beaucoup de Mauriciens peut s'expliquer par la peur du cambrioleur et de «move zer».
Amoureux de la propreté vs amoureux des animaux
Le maire de Curepipe est conscient qu'il existe un véritable problème de chiens errants à Curepipe. «Nous faisons de notre mieux mais ces ramassages de chiens attirent parfois des critiques de certains habitants. C'est très difficile pour la MSAW de faire son travail.» Les gros chiens traînant au bazar de Curepipe, bien que peu agressifs, dérangent parfois les marchands et le public. Et la MSAW a beaucoup de mal à y faire une descente face à l'hostilité de certains. C'est vrai, surtout après que des vidéos ont circulé et montrent comment ces chiens attrapés meurent de faim dans les locaux de la MSAW.