Dakar — Des professionnels de la culture ont proposé, jeudi, des pistes de solutions liées à la formation, au financement et à la diffusion pour régler la crise que traverse le théâtre sénégalais depuis quelques années.
"La crise du théâtre n'est pas nouvelle dans le monde", a dit le metteur en scène et dramaturge, Mamadou Seyba Traoré qui estime que le problème de ce secteur peut être résumé dans le triptyque "formation, création et diffusion".
S'exprimant à la deuxième édition du festival international Dakar théâtre et humour (du 3 au 6 octobre) ouverte avec le panel intitulé "Quel dénouement à la crise du théâtre sénégalais", le metteur en scène de la pièce "Les bouts de bois de Dieu" préconise l'enseignement de l'art dramatique dès le bas âge aux enfants pour qu'ils grandissent avec cette envie d'aller au théâtre et de lire une pièce.
Il a rappelé que jadis, "le théâtre était la voix de la négritude à travers le monde et de l'enfant gâté des disciplines artistiques pendant le règne de Léopold Sédar Senghor".
Aujourd'hui, estime-t-il, le public fourni beaucoup d'efforts et rencontre d'énormes contraintes pour accéder aux lieux de diffusion du théâtre concentrés au centre-ville de Dakar. Il y a aussi la télévision qui a pris le dessus avec les téléfilms et le théâtre filmé.
Mamadou Seyba Traoré conseille la construction de théâtres de verdure équipés dans les régions pour permettre d'avoir des lieux de diffusion.
Le metteur en scène Abdou Karim Sadji de Kaolack qui abonde dans le même sens appelle "à construire des lieux de diffusion adaptés au théâtre surtout dans les régions dépourvues d'infrastructures publiques et à revoir les curricula de formation en art dramatique et surtout de se départir du théâtre élitiste".
"Il faut améliorer la gouvernance du théâtre, mettre en avant le théâtre scolaire et aider à la formation des enseignants", a-t-il encore suggéré.
"Faut-il continuer à jouer le théâtre comme avant dans un contexte de mutation avec la télévision et le numérique ?", s'est interrogée l'ancienne directrice de la maison de la culture Douta Seck Awa Cheikh Diouf.
Selon la directrice des arts, Ndèye Khoudia Diagne, une bonne partie des solutions préconisées sont contenues dans le plan stratégique de développement du théâtre travaillé avec les acteurs.
"On a parlé du financement qui est essentiel. Et quelque soit sa forme, mécénat ou l'Etat, il est nécessaire pour la création et la diffusion", a indiqué la directrice qui fait savoir que le plan stratégique a été partagé avec les nouvelles autorités qui trouvent que "ce n'est pas équitable que certains sous-secteurs n'aient pas de financement".
"Elles ont dit que les cultures urbaines ont un financement, le cinéma, le livre et la lecture et finalement seuls les arts visuels et les arts vivants sont les parents pauvres. Heureusement qu'elles en sont conscientes aujourd'hui et veulent corriger cette injustice et cela est rassurant, car quoi qu'il en soit cette situation va être corrigée", a fait savoir Ndèye Khoudia Diagne.
Autour du financement, il y a la chaine de valeur qu'il faut renforcer par la formation, a-t-elle dit.
Le plan stratégique prévoit aussi la structuration des compagnies et des troupes et un cadre interministériel pour parler de politique du théâtre, car l'art dramatique est éclaté entre quatre départements ministériels à savoir la Culture, l'Education nationale, l'Enseignement Supérieur et la Formation professionnelle, selon la directrice.
Côté infrastructures, relève t-elle, "un autre problème se pose, c'est le fait que les acteurs ne soient pas associés en amont des projets et on a aussi que des centres culturels au niveau régional, c'est quelque chose à corriger".
Ndèye Khoudia Diagne déclare qu'elle est rassurée quand elle entend les autorités dire qu'elles vont construire des infrastructures de proximité au niveau de chaque commune selon la spécificité des localités.