Congo-Kinshasa: La guerre affecte différemment les filles et les garçons - Ce que notre étude a découvert

analyse

La guerre fait partie intégrante de la vie de nombreux enfants. Des millions d'entre eux sont victimes et témoins des horreurs de la guerre. Selon des estimations récentes de chercheurs de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo, un enfant sur six dans le monde vit dans une zone de conflit, et c'est en Afrique que l'on trouve le plus grand nombre d'enfants touchés.

Nombre d'entre eux sont contraints de devenir des enfants soldats. Dans d'autres cas, comme lors du génocide de 1994 au Rwanda, la violence est dirigée contre les enfants.

Ces dernières années, des chercheurs de différents disciplines ont étudié l'impact sur les enfants qui grandissent dans des zones de guerre. Les psychologues, par exemple, ont étudié la manière dont les conflits affectent leur santé mentale et leur comportement. Les économistes ont examiné, entre autres, comment le fait de grandir dans ces environnements peut limiter la capacité de gagner sa vie dans le futur. D'autres chercheurs ont étudié la manière dont la guerre façonne les comportements politiques à long terme de ces enfants.

Malgré ce nombre croissant de recherches, notre groupe de chercheurs, qui étudie les causes et les conséquences des conflits armés pour les enfants, avons constaté deux lacunes importantes.

Deux lacunes importantes

Premièrement, une grande partie de la littérature traite les expériences des enfants comme si elles étaient identiques dans différents contextes. Peu d'études se sont penchées sur les expériences distinctes des filles en tant que soldates ou sur la manière dont elles diffèrent de celles des garçons.

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Deuxièmement, si certaines recherches explorent ces différences entre les sexes, elles ne s'intéressent souvent qu'à ce qui se passe pendant le conflit. Elles ne tiennent pas compte de la manière dont ces expériences affectent les relations sociales à la fin du conflit. Et ce, même si les chercheurs et les décideurs politiques soulignent que les expériences des filles en temps de guerre sont fondamentalement différentes de celles des garçons en raison de leur statut et de leur rôle différents dans la société.

Pour combler ces lacunes, nous avons mené une étude exploratoire de 2018 à 2019 sur les expériences des garçons et des filles pendant le conflit en République démocratique du Congo (RDC). Nous avons étudié comment ces expériences genrées ont pu affecter leurs relations sociales après la guerre. Nous avons interrogé 315 enfants âgés de 12 à 18 ans, avec différents niveaux d'exposition au conflit. Parmi eux, 186 ont été impliqués dans des groupes armés.

Notre analyse récemment publiée a révélé, comme prévu, que de nombreux enfants avaient été témoins ou avaient vécu divers événements liés au conflit au cours de leur vie. La plupart des enfants ont déclaré avoir vu des maisons et des biens détruits, et beaucoup ont été témoins de personnes battues ou torturées par les forces armées. Moins d'enfants ont déclaré avoir été agressés sexuellement ou violés, ou avoir été blessés par des armes telles que des coups de feu ou des coups de couteau, même si, malheureusement, ces cas ne sont pas rares non plus.

Nous avons constaté que les garçons étaient généralement plus exposés aux conflits que les filles. Cette différence s'explique en grande partie par le fait que les garçons sont plus impliqués dans les groupes armés et plus susceptibles de commettre des actes de violence.

Ces expériences de conflit peuvent avoir des effets durables sur les relations des enfants avec leur famille, leurs amis, leurs enseignants et d'autres groupes sociaux importants. Ces liens sont cruciaux pour le développement et le bien-être de l'enfant.

Les différences entre la façon dont les garçons et les filles sont affectés sont des éléments importants à prendre en compte pour élaborer des programmes de soutien psychosocial appropriés et efficaces, avec des outils qui répondent aux besoins spécifiques des hommes et des femmes dans les situations de conflit ou d'après-conflit.

L'étude

Nous avons recueilli des informations à partir de 315 entretiens structurés avec des enfants congolais. Certains de ces garçons et filles ont été activement impliqués dans des groupes armés dans les provinces orientales de la RDC, tandis que d'autres ont été moins directement exposés au conflit.

Les conflits et les violations des droits de l'homme sont très répandus en RDC. World Vision a qualifié le conflit qui dure depuis des décennies dans le pays de « l'une des pires crises de protection de l'enfance au monde". En outre, un récent rapport de l'ONU sur les enfants et les conflits armés a recensé 3 377 violations graves vérifiées à l'encontre d'enfants en RDC en 2023. Parmi celles-ci, 46 % impliquaient le recrutement d'enfants - dont certains n'avaient que 5 ans - par des forces ou des groupes armés.

Pour examiner comment le conflit armé a affecté les garçons et les filles du Congo-RDC, nous avons recueilli des données entre 2018 et 2019 dans la province du Sud-Kivu, dans l'est de la RDC. Nous avons sélectionné nos participants avec l'aide et le consentement de cinq organisations locales de protection de l'enfance.

Notre analyse a d'abord exploré ce que les garçons et les filles avaient vécu pendant le conflit. Nous avons ensuite associé ces expériences sexospécifiques à des différences de comportement social. Nous avons cherché à savoir s'il existait des différences entre les sexes dans les principales relations des enfants avec leur famille, leurs amis (et d'autres groupes sociaux) et leurs enseignants.

Tout d'abord, nous avons constaté que la guerre perturbait la capacité de la famille à assurer la sécurité, et que les enfants et les personnes qui s'occupent d'eux pouvaient souffrir des conséquences émotionnelles et psychologiques du conflit. Notre étude a montré que les filles avaient tendance à avoir une relation plus forte avec leur famille et les personnes qui s'occupent d'elles que les garçons après le conflit. Cela correspond aux recherches antérieures qui suggèrent que les garçons peuvent avoir plus de difficultés à maintenir des relations familiales. C'est particulièrement le cas pour ceux qui ont été actifs en tant qu'enfants soldats.

Deuxièmement, notre analyse a révélé que les garçons avaient tendance à avoir des réseaux d'amis plus diversifiés que les filles, même en comparant les anciens garçons soldats aux filles soldates. Les amitiés sont vitales pour le bien-être d'un enfant. Des amitiés fortes et diversifiées sont liées à une meilleure santé mentale, à la tolérance et à la compréhension.

Enfin, nous avons examiné comment le genre et les expériences de guerre pouvaient affecter les relations entre les élèves et les enseignants. Les conflits armés peuvent avoir des effets dévastateurs sur le niveau d'éducation des enfants. L'éducation, cependant, soutient les enfants et les adolescents touchés par la guerre de plusieurs manières importantes. Des règles, des règlements et des activités scolaires structurés créent un sentiment de normalité, ce qui est crucial pour le processus de guérison et le bien-être des enfants. Dans l'ensemble, les enfants interrogés avaient une vision très positive de leur école ou de leur programme de formation. Ils se sentaient en sécurité, aimaient passer du temps avec leurs camarades de classe et considéraient leurs enseignants comme utiles et attentionnés. Cependant, les filles - en particulier les anciennes filles soldates - étaient beaucoup plus enclines que les garçons à affirmer que leurs enseignants étaient compréhensifs et encourageants.

L'importance des résultats

Notre étude est l'une des premières à mettre en évidence des différences significatives dans la manière dont les garçons et les filles vivent la guerre et dont ces expériences façonnent leurs relations sociales.

La réponse aux besoins différents des garçons et des filles après un conflit n'améliore pas seulement leur bien-être, elle est également susceptible d'avoir un effet positif sur des foyers entiers, des régions et des pays en situation de post-conflit. Si notre étude met en lumière ces différences, d'autres recherches sont nécessaires pour les comprendre plus en profondeur et, surtout, pour en expliquer les raisons.

Ces différences sont-elles le résultat de traumatismes psychologiques, de changements de comportement ou d'événements spécifiques survenus avant ou pendant le conflit ? En outre, nous en savons très peu sur les effets à long terme de l'exposition à la guerre : ces différences s'estompent-elles avec le temps ou persistent-elles ? Et comment les communautés peuvent-elles jouer un rôle pour aider les enfants à surmonter ces difficultés ? Ces différences sont-elles également observées dans d'autres conflits à d'autres périodes ?

La compréhension de ces différences est essentielle pour les décideurs politiques qui s'efforcent d'élaborer des programmes de soutien efficaces. Le développement et l'augmentation de la disponibilité d'approches sensibles au genre peuvent contribuer à renforcer la résilience des enfants après un conflit. Cela peut également contribuer à renforcer leur capacité d'action et leur résilience avant le conflit.

Roos van der Haer, Assistant professor of International Relations at the Institute of Political Science, Leiden University

Kathleen J. Brown, PhD Candidate, Institute of Political Science, Leiden University

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