Nos anciens souverains avaient souvent, à leurs côtés, des « Andriambaventy, grands seigneurs qui leur prodiguent des conseils, plus ou moins suivis. Ainsi, le grand monarque Andriamasi-navalona choisit Andriamampandry, mais il ne suit pas toujours les avis. Personnage d'une grande réputation de sagesse, Andriamampandry est l'instigateur de son accession au trône en organisant un parti de noblesse pour détrôner son frère aîné, Razakatsitakatrandriana.
Nombreux, dit-on, sont les traits auxquels Andria-mampandry montre sa sagacité. Régis Rajemisa-Raolison en cite un. Malgré ses oppositions énergiques, le roi s'entête à partager son royaume entre ses quatre fils et un neveu. Le souverain convoque ses sujets à un grand kabary sur la Place d'Andohalo pour leur faire part de sa décision. Andriamampandry, lui, n'y paraît pas, alléguant qu'il n'a pas de lamba de cérémonie. Qu'à cela ne tienne, le roi lui en envoie un de très belle qualité. Mais au lieu de le mettre, le conseiller le déchire, le plonge dans la boue et renvoie les morceaux sales au souverain.
Celui-ci, dit-on, comprend l'allégorie, mais entêté, il persiste dans son idée de morcellement du royaume en rétorquant aux envoyés d'Andriamampandry: « C'est bien, mais dites à votre maître que la saleté se nettoie et les déchirures se raccommodent. » Malheureusement, de lavage et de raccommodage, il n'y a point, du moins pendant près d'un siècle. Il faudra attendre Andrianampoini-merina pour le faire.
Celui-ci a Hagamainty comme conseiller, lui aussi réputé pour sa sagesse. C'est l'un des chefs Tsimiam-boholahy, partisans d'Andrianjafy dont le jeune Imboasalama est le neveu. À la guerre de 1787 qui oppose les Tsimahafotsy, partisans de celui-ci, aux Tsimiam-boholahy, Hagamainty prend d'abord parti pour son roi. Il ne tarde pas, cependant, à se rallier au futur Andrianam-poinimerina en accord avec Andriantsilavo, chef des partisans d'Andrianjafy et grand-père de Raharo et Rainilaiarivony.
Hagamainty est célèbre pour ses traits et mots d'esprit qui « montrent à la fois ses judicieuses observations et sa profonde sagesse ». Ainsi, avant le coup d'État décisif qui met le jeune Imboasalama sur le trône, Hagamainty et Andriantsilavo ont ménagé des moyens de fuite à leur ancien maître. Andrianam-poinimerina les mande pour les punir d'avoir laissé s'échapper son adversaire. Nullement troublé, Hagamainty riposte: « Jeune souverain, comment abandonner l'enfant qui vous est confié? Celui qui livre son roi est un homme sans cœur. Si nous l'avons trahi, auriez-vous confiance en nous? Nous ne sommes pas méchants, voilà pourquoi nous l'avons arraché à la mort. »
Une autre fois, un homme est, dit-on, condamné à mort pour avoir chiqué du tabac, peine prévue par le Code pénal du roi, au même titre que boire du rhum et fumer du chanvre. Hagamainty ne peut s'empêcher de faire remarquer au souverain que chiquer du tabac ne doit pas attirer une peine aussi sévère.
Et de lui demander : « Le tabac est-il doux ou amer ? »- « Il est amer », répond le roi.- « Est-ce qu'on l'avale ou on le recrache ? »- « On le recrache. »- « Dans ce cas, un peu de salive pourrait-il faire gonfler le sol? Et pourquoi serait-ce une cause de mort pour le peuple ? »
Le fils et successeur d'Andrianampoinimerina, Radama, quant à lui, a l'Anglais James Hastie comme conseiller et le Français Robin comme confident. Leur influence sur le roi est bienfaisant aussi bien pour lui que pour le pays. On doit à Hastie l'introduction en Imerina des premiers chevaux et des premières charrues ainsi que de nombreuses plantes et graines alimentaires. Il fait même venir une
fanfare dont l'audition émerveille le roi. C'est encore lui qui effectue les premières vaccinations contre la variole qui fait journellement des centaines de morts dans la ville. Il aurait aussi signalé au roi les dangers dus à la saleté dans les rues: ordre est alors donné de nettoyer la ville et de la maintenir en état de propreté. Il suggère enfin la suppression de l'épreuve du tanguin et la répression des débordements dans les rues: un kabary royal édicte l'arrêt définitif des bacchanales traditionnelles.