Les immunités et l'absence d'autorisation de poursuite constituent des blocages dans la répression de la corruption. Le CSI propose des aménagements constitutionnels et législatifs pour renforcer la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption, en préparation.
Une mission délicate. C'est ce que compte mener le Comité pour la sauvegarde de l'intégrité (CSI) durant ce mois d'octobre. Durant une rencontre avec la presse, hier, le Comité a notamment mis l'accent sur un point sur lequel se rejoignent les recommandations des différentes consultations inhérentes au processus d'élaboration de la nouvelle Stratégie nationale de lutte contre la corruption (SNLCC). Il s'agit de la nécessité d'une répression effective, efficace et dissuasive de la corruption et des délits connexes.
La répression qui est justement la raison d'être du Système anti-corruption (SAC), mis en place par la SNLCC en vigueur actuelle et qui est en cours de réforme. Le Bureau indépendant anti-corruption (Bianco), le Service de renseignement financier (Samifin), le Pôle anti-corruption (PAC), ou encore l'Agence de recouvrement des avoirs illicites (Arai), sont les bras armés du SAC.
"Un faible niveau de confiance du public dans une répression effective de la corruption mettant fin à l'impunité : faible niveau de sanctions pénales et disciplinaires, contraintes d'ordres juridiques et opérationnels". C'est une des faiblesses de la Stratégie actuelle, notées à l'issue des consultations menées ces derniers mois.
Dans l'ensemble, la Stratégie actuelle constitue déjà une base solide pour une lutte efficace contre la corruption. Seulement, des privilèges d'ordre constitutionnel, légal et réglementaire constituent des blocages à une répression impersonnelle et sont des causes d'impunité. Il s'agit des immunités, des privilèges de juridiction, comme la Haute cour de Justice (HCJ), ou encore des privilèges statutaires, à savoir les autorisations de poursuite.
Dialogue
Des poursuites judiciaires, ou même juste des enquêtes préliminaires sont bloquées par des immunités, par l'absence d'autorisation de poursuite, ou l'absence de feu vert parlementaire pour la mise en accusation devant la HCJ. La lenteur. L'application des sanctions attend l'issue de pourvois en cassation qui prennent beaucoup de temps. Ces points faibles sont récurrents dans les rhétoriques des acteurs du SAC à chaque sortie médiatique.
Pour le public une lutte efficace contre la corruption, c'est la répression des délinquants, sans exception. Aussi, la réforme de la SNLCC est-elle une opportunité pour y remédier. "Lever tous les obstacles juridiques et opérationnels à une répression efficace de la corruption", est justement dans la liste des recommandations stratégiques. Le CSI l'a reconnu à demi-mot durant la rencontre avec la presse, hier. Il s'agit probablement du point le plus difficile à concrétiser.
Réviser les conditions d'application des immunités, les privilèges de juridiction et statutaire, ou juste les rendre inopérants dans les dossiers de corruption et délits connexes, pourrait nécessiter une retouche de la Constitution, des amendements de lois et de textes réglementaires. Ce qui implique qu'il faut convaincre les décideurs étatiques et les parlementaires. Il est aussi nécessaire d'obtenir l'adhésion des corps de métiers et des syndicats concernés.
C'est par crainte d'une fronde corporatiste ou syndicale, dans la plupart des cas, que les ministres concernés hésitent ou ne signent pas les demandes d'autorisation de poursuite. À l'instar des immunités et privilèges de juridiction, le refus d'autorisation de poursuite donne l'image d'une justice à deux vitesses et favorise l'impunité. Les membres de certains corps de métiers sont rarement inquiétés par des procédures judiciaires, ou même juste des enquêtes préliminaires.
"Un traitement équitable devant la loi est garanti et les textes en vigueur en matière pénale et disciplinaire sont appliqués de manière effective", figure aussi dans les recommandations d'amélioration de la SNLCC. Dans l'option de rallier à sa cause les acteurs directement concernés par ces réformes à apporter, le CSI qui conduit le comité de pilotage pour l'élaboration de la nouvelle SNLCC engagera un dialogue avec eux durant des ateliers qui se tiendront en ce mois d'octobre.
"Ce sera un dialogue ouvert et franc", indique Sahondra Rabenarivo, présidente du CSI. Les acteurs du système judiciaire, les corps de métiers et les syndicats y sont conviés. Le but est, visiblement, de trouver un consensus. "Si vraiment, il est nécessaire de maintenir ces différents privilèges, nous essayerons au moins de déterminer des balises pour éviter les abus ou les pressions pour empêcher qu'ils soient levés", ajoute-t-elle.
Anticipant d'éventuelles résistances, la boss du CSI rappelle que "la tolérance zéro contre la corruption est l'objectif. Soyons sincères avec nous-même". Elle souligne aussi, que la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption est le pilier de la Politique générale de l'État (PGE). L'adoption des recommandations sur la répression vise à renforcer la nouvelle SNLCC. Sans quoi, le sentiment d'impunité de certaines catégories de justiciables persistera et l'efficacité de la lutte sera toujours discutable.