Pour de nombreux agriculteurs, la daba rudimentaire demeure le principal outil pour les labours, avec une pénibilité du travail et des rendements réduits. L'atteinte de l'autosuffisance alimentaire passe pourtant par l'augmentation des surfaces cultivables et la mécanisation agricole. Le système de culture multifonction, baptisé « Koob Naong Saya » en mooré, développé par Pierre Nanéma représente une formidable opportunité pour les agriculteurs pour augmenter les superficies et les rendements. Il allie faciliter d'utilisation et coût abordable. Découverte !
Diplômé d'un master ès sciences en radio électronique de navigation aérienne, Pierre Nanéma est un passionné du travail de la terre. Depuis 2013, il a mis au point un système novateur de labour multifonction baptisé « Koob Naong Saya » en mooré, ce qui signifie en français « Fini les durs labeurs des producteurs agricoles ». « Koob Naong Saya » est composé d'un tracteur, d'un fût (pour contenir l'herbicide ou l'engrais liquide), d'une daba, d'un semoir (pour contenir les semences) et d'un support.
Avec cet outil, le producteur peut cultiver, semer et épandre l'engrais et l'herbicide sans avoir besoin de main-d'oeuvre supplémentaire ou de sa propre force physique. Il est modulable et s'adapte en fonction du type de travail à accomplir. Il est le fruit d'une recherche de plus de 10 ans guidée par une double ambition, améliorer le rendement agricole et faciliter le travail des producteurs.
« Je me suis rendu compte qu'en réalité, il n'y a pas de problème de pluviométrie au Burkina Faso, mais plutôt un problème d'adaptation à celle-ci. Il fallait donc trouver des moyens pour que l'agriculture soit positive. L'idée m'est venue d'inventer un système de labour qui puisse s'adapter aux caprices de la pluviométrie et régler à la fois le manque de main-d'oeuvre », explique-t-il.
Comment l'utiliser ?
Pour son utilisation, le producteur doit semer au bon moment. « Cela revient à s'adapter à la période de régularité de la pluviométrie tout en se réservant une marge d'erreur de deux à trois semaines, où le stress hydrique ne sera pas fatal à la plante. Il faut une période avec un taux d'humidité acceptable, entre 60 et 100 %, afin de permettre à la plante de résister aux poches de sécheresse », développe l'inventeur.
De manière concrète, Pierre Nanéma explique qu'il revient à chaque producteur en fonction de sa zone de choisir la meilleure fenêtre pour le démarrage des semis, étant entendu que la pluviométrie varie en fonction des régions. Ainsi, dans la zone de Kunda (région du Centre-Sud, où le chercheur a mené ses recherches), le début de la saison pluvieuse est estimé au 1er juillet et la fin de la saison au 15 septembre, en tenant compte d'une marge d'erreur de deux à trois semaines. « Cela ne veut pas dire qu'il ne pleuvra pas avant ou après, mais, il est plus sûr de commencer à semer à cette date.
Je pratique cette théorie depuis plus de dix ans et je n'ai jamais été affecté par une quelconque irrégularité pluviométrique. L'adaptation à la pluviométrie me permet d'être serein dans mon agriculture », confie-t-il avec satisfaction. L'inventeur estime que la saison est fiable sur une période de deux mois et demi, le reste étant aléatoire. D'où l'importance d'anticiper les travaux agricoles.
« Semer au bon moment permet d'éviter les re-semis et de rattraper une fin de saison des pluies qui coïnciderait avec la maturité des récoltes », souligne M. Nanéma. Dans son champ-école de deux hectares, situés à Kunda dans la commune de Saponé (région du Centre-Sud), il cultive chaque année du maïs (variété komsaya de 87 jours), ainsi que du haricot (un mélange de semences de 60 à 90 jours), obtenant ainsi toujours de bons rendements. En témoigne l'actuelle physionomie de ses plantes, qui sont au stade de maturation, à la date du 13 septembre 2024 (date de la visite du champ).
Il espère un rendement de quatre tonnes à l'hectare. Avec son tracteur muni du système de labour, Pierre Nanéma procède d'abord à l'épandage d'un herbicide homologué en solution, sous forme de petites gouttelettes, aspergé sur les mauvaises herbes. Après sept à huit jours, les mauvaises herbes sont désherbées. Ensuite, le tracteur laboure la terre.
Simultanément, les herbes mortes sont enfouies sous terre et une solution d'engrais, composée de NPK, est injectée dans le sol. « Le labour doit se faire sans précipitation, avec une profondeur acceptable, afin de ne pas retourner la terre non fertile, généralement située à une profondeur de 15 à 20 cm », soutient-il.
D'après lui, la meilleure façon de sécuriser les cultures est d'avoir une profondeur de labour de 20 à 30 cm. Pour atteindre cette profondeur, il propose de créer un sillon concave, c'est-à-dire un sillon avec un creux de 10 à 15 cm qui retient l'humidité. Son invention permet cela. L'engrais est placé pendant le labour, à une profondeur suffisante pour éviter qu'il ne soit emporté par le ruissellement et pour garantir une meilleure absorption par la plante. Quatre à cinq semaines après les semis, il procède à l'épandage d'urée et au sarclage pour éviter que l'épiaison ne débute avant que la plante ne bénéficie de l'engrais. En effet, l'urée s'évapore et doit être recouverte de terre pour augmenter son efficacité.
Un système de labour aux multiples avantages
L'utilisation du système de labour multifonction inventé par Pierre Nanéma présente de nombreux avantages pour les cultivateurs de céréales et de coton. Il permet de diminuer, voire de supprimer le travail pénible du producteur, ce qui augmente sa motivation. La main-d'oeuvre est également réduite, puisque le tracteur peut labourer deux à trois hectares par heure.
Grâce aux sillons concaves créés par la machine, les plantes résistent mieux aux poches de sécheresse parce qu'elles sont, non seulement bien fixées au sol mais elles ont l'humidité durant des jours. De plus, « le système est économique avec 66 % d'économie en engrais grâce au microdosage, 66 % d'économie en herbicide et pesticide et 80 % d'économie en main-d'oeuvre.
Le retour sur investissement, y compris l'achat du tracteur, se fait en une année pour une surface cultivée de 20 hectares », précise M. Nanéma.
Ces avantages peuvent inciter les producteurs à augmenter leurs surfaces cultivées.
Au regard des bénéfices du système de labour multifonction, cette invention mérite d'être vulgarisée et utilisée par un plus grand nombre d'agriculteurs pour atteindre l'autosuffisance alimentaire au Burkina Faso. Avec cette technologie, il a obtenu en 2018, le brevet de l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). Ainsi, cet outil a toute sa place dans l'agriculture burkinabè. Car, comme il le dit lui-même : « On doit cultiver avec le sourire aux lèvres et je ne peux que m'en réjouir ». Pierre Nanéma ne compte pas s'arrêter là. Il ambitionne d'inventer un semoir révolutionnaire pour continuer à moderniser l'agriculture.