« Au Sénégal, lorsqu'un membre de l'Assemblée nationale est condamné de manière définitive, il doit être radié de la liste des parlementaires sur demande du ministre de la Justice. Cette procédure administrative est encadrée par la législation en vigueur, notamment la Constitution en son article 61 dispose que : « Le membre de l'Assemblée nationale qui fait l'objet d'une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du Ministre de la Justice. »
Le règlement intérieur de l'Assemblée nationale en son article 51 renforce cette disposition : « Le député qui fait l'objet d'une condamnation pénale définitive est radié de la liste des députés de l'Assemblée nationale sur demande du Ministre de la Justice (article 61 de la Constitution, alinéas 3 à 7). »
En cas de non-exécution de la formalité administrative :
Si la demande de radiation n'est pas formulée par le ministre de la Justice, la radiation ne devient pas effective. Ainsi, un député, même condamné de manière définitive, pourrait rester inscrit sur la liste des parlementaires et continuer à exercer ses fonctions, créant ainsi une situation d'illégalité de fait.
Exemples jurisprudentiels :
Sénégal - Cas de Bara Gaye :
En 2013, Bara Gaye, ancien député du Parti démocratique sénégalais (PDS), a été condamné pour « offense au chef de l'État ». Bien que cette condamnation ait suscité des discussions sur sa légitimité en tant que parlementaire, sa radiation n'a pas été immédiatement appliquée. Ce cas met en lumière l'importance de la demande de radiation pour officialiser une telle décision.
Côte d'Ivoire - Affaire Gbagbo c. Assemblée nationale (2001) :
La Cour suprême de Côte d'Ivoire a jugé qu'un député condamné pour détournement de fonds publics devait être radié automatiquement, mais seulement après notification formelle aux autorités parlementaires. Sans cette notification, le député aurait pu continuer à siéger de manière illégale.
France - L'affaire Patrick Balkany :
En France, après la condamnation de Patrick Balkany pour fraude fiscale, la question de sa radiation du fichier électoral a posé des problèmes. Malgré sa condamnation, une lenteur administrative a permis qu'il reste théoriquement éligible pendant un certain temps. Cela montre qu'une défaillance dans les formalités peut laisser subsister des zones d'incertitude quant à l'éligibilité d'un élu.
Conséquences d'une non-radiation :
Si un député condamné définitivement n'est pas radié, cela compromet la légitimité de ses actions en tant que parlementaire. Un recours peut être déposé par des tiers, comme des opposants dans l'intérêt de la Loi, pour exiger la mise en application de la décision judiciaire. Une fois radié, ce député devient inéligible tant que la période d'inéligibilité prévue par la loi électorale n'est pas écoulée.
Radiation du fichier électoral :
Lorsqu'un député est condamné pour des infractions graves affectant ses droits civiques, il doit être radié du fichier électoral. Selon l'article 40 alinéa 3 du Code électoral, cela est également requis par les dispositions constitutionnelles. Toutefois, dans la pratique de notre système électoral, la radiation automatique du fichier électoral n'est pas toujours rigoureuse.
Absence de révision exceptionnelle des listes électorales :
Les révisions exceptionnelles permettent de mettre à jour les listes en cas de condamnation ou de décès. Si cette révision n'est pas déclenchée, les personnes qui devraient être radiées peuvent rester sur les listes électorales ;
Causes et effets concrets de l'absence de radiation :
Un député condamné, non radié des listes, pourrait théoriquement se présenter à de nouvelles élections. Cela pourrait entraîner une situation d'illégalité de facto, laquelle pourrait faire l'objet de contestations par d'autres candidats ou toute personne ou organisation politique qui a intérêt à agir ;
Manque de coordination entre les autorités : La transmission des condamnations aux autorités électorales n'est pas toujours systématique ou rapide.
Formalité administrative incomplète : Selon l'article 40 alinéa 2 du Code électoral, la radiation dépend d'une décision motivée et dument notifiée de la condamnation par le ministère de la Justice. Sans cette notification, la personne peut rester inscrite sur les listes.
Absence de révision exceptionnelle : Les révisions électorales périodiques ne permettent pas toujours de tenir compte des événements récents comme des déchéances pénales, électorales ou le décès. C'est le cas aussi en cas de révision d'office ;
Le cas du candidat M. Ousmane Sonko :
L'éligibilité de M. Ousmane Sonko, président du parti PASTEF, ne découle pas de la loi d'amnistie mais de l'ordonnance n° 001 du 14 décembre 2023 rendue par le Président du Tribunal d'Instance de Dakar, qui a annulé sa radiation et ordonné sa réintégration sur les listes. Cette décision, devenue définitive après le désistement d'instance et d'action du pourvoi de l'Agent judiciaire de l'État, matérialisée par lettre n° 00250 MFB/AJE/abo en date du 08 Mars 2024, conférant ainsi à cette Ordonnance querellée l'autorité de la chose jugée (ou res judicata) et dont la teneur est la suivante :
« EN LA FORME :
-Rejetons la fin de recevoir tirée du défaut de qualité ou d'intérêt de l'Etat du Sénégal ;
-Disons que l'Etat du Sénégal est régulièrement représenté par l'agent Judiciaire de l'Etat ;
-Rejetons la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ;
-Déclarons le recours recevable ;
AU FOND :
-Déclarons nulle la radiation de Monsieur Ousmane SONKO, né 15 juillet 1974 à Thiès de la liste électorale ;
-Ordonnons sa réintégration sur ladite liste ; »
Le cas du candidat M. Barthélemy Dias :
Barthélemy Dias a perdu sa qualité de député à la suite d'une condamnation devenue, mais l'absence de certaines procédures administratives formelles a retardé l'application des effets juridiques. Actuellement, M. B. DIAS conserve sa qualité d'électeur, mais son éligibilité reste entre les mains du Conseil constitutionnel, seul interprète légitime de la Loi et arbitre des élections nationales sous réserve des articles L125 et LO 160 du Code électoral ;
L'étude de ces cas démontre l'importance cruciale des procédures administratives et des décisions judiciaires dans la question de l'éligibilité et de la radiation des élus ou acteurs politiques en général ».