Lundi 30 septembre, soit 48 heures précédant l'annonce de l'accord politique conjoint Maurice-Royaume-Uni, une table ronde virtuelle s'est tenue entre le ministre britannique des Territoires d'outremer, Stephen Doughty, et des représentants de la communauté chagossienne. Cette réunion avait pour but de discuter du soutien offert par le gouvernement britannique à la communauté, mais elle a surtout été l'occasion pour des Chagossiens, dispersés à travers le Royaume-Uni, Maurice, les Seychelles et d'autres régions d'exprimer leurs préoccupations persistantes.
La question des négociations concernant la souveraineté entre le Royaume-Uni et Maurice a évidemment été un sujet brûlant lors de cette réunion virtuelle, organisée par le bureau du ministre britannique des Territoires d'outremer. Plusieurs intervenants ont réitéré leur frustration face à l'exclusion des Chagossiens de ces discussions cruciales.
Certains ont rappelé que ces négociations avaient commencé sous un gouvernement précédent, en novembre 2022, et que la communauté chagossienne se sentait une fois de plus marginalisée, tout comme lors de l'accord de Lancaster House en 1965. Pour eux, l'histoire se répète car il est primordial d'inclure les Chagossiens, qui sont ceux qui souffrent directement des décisions politiques prises dans le passé.
Bernadette Dugasse , Chagossienne née à Diego Garcia, et qui a vécu en exil aux Seychelles, a exprimé son amertume face à l'effacement de l'identité chagossienne pour ceux qui n'étaient pas de Maurice. Elle a souligné que tous les Chagossiens, où qu'ils soient, devraient être traités sur un pied d'égalité.
«In the past, we were used, abused and kicked in our ass. Is this going to happen again? They used us to get compensation and then, they kicked us. All people are talking about Mauritian Chagossians. Are we not Chagossians anymore? Where is our right? Our identity? Who took our identity? It's time to be equal. We are all Chagossians, we are all deported, then, do the right thing for every Chagossian, not only those in Mauritius», a-t-elle martelé, la voix empreinte d'émotion.
Jean-François Nellan, de Chagossian Voices, a rappelé au ministre que leur dernière rencontre à son bureau remontait à un an. Il a voulu savoir où en était la proposition des différents représentants de la communauté d'organiser un référendum pour laisser les Chagossiens décider de leur futur et de leurs souhaits. «Any update on this? You said you'll talk to Lammy who is now Foreign secretary», lui a demandé Jean-François Nellan.
L'autre principale inquiétude soulevée a été la question du logement. Louis Misley Mandarin, du groupe British Indian Ocean Territory (BIOT) Citizens, a souligné que de nombreux Chagossiens vivant dans la pauvreté étaient incapables de financer passeports et billets d'avion pour rejoindre le Royaume-Uni. Beaucoup d'entre eux s'endettent lourdement, et la crise du logement en Angleterre n'arrange pas les choses. Louis Misley Mandarin a mentionné la difficulté des Chagossiens à s'installer dans des villes comme Crawley et il a dit souhaiter que certains puissent s'installer dans d'autres régions du RoyaumeUni telles que Manchester ou Leeds, où réside aussi une communauté chagossienne.
Capture d'écran de la table ronde virtuelle entre des Chagossiens et le gouvernement britannique, lundi
Gestion de l'aide
«Plus de 500 personnes veulent venir au Royaume-Uni en mars. Toute la communauté veut venir mais la pauvreté ne le permet pas. They just need support from the council to be able to pay the deposit and advance», a souligné Louis Misley Mandarin.
Franki Bontemps, de Chagossian Voices, a proposé la mise en place d'un plan de logement temporaire pour aider ceux qui n'avaient pas de famille au Royaume-Uni et a suggéré un délai de six mois pour faciliter la recherche d'un hébergement. Il a également rappelé l'existence d'un rapport du comité britannique des Affaires étrangères mentionnant une allocation de 13 millions de livres sterling pour contribuer à la relocalisation des Chagossiens. Il a souligné que le soutien devrait être accessible dans d'autres villes et pas uniquement à Crawley.
Isabelle Charles, du mouvement Chagos Islanders, a fait part de sa déception quant à la gestion de l'aide financière britannique. Elle a affirmé que des organisations tierces semblaient profiter davantage des fonds alloués que les Chagossiens eux-mêmes. Elle a souligné l'importance d'un soutien direct à la communauté.
D'autres membres de la communauté, comme Maxwell Evanor, ont évoqué les souffrances générationnelles subies par les Chagossiens, réitérant la nécessité d'une reconnaissance de leur culture et d'un soutien financier accru. Maxwell Evanor a suggéré l'exemple des îles Turques-et-Caïques comme modèle pour un programme d'assistance financière à destination des Chagossiens. Il a également insisté sur le fait que la pauvreté de la communauté était directement liée à leur exil forcé.
Poursuite du dialogue
De son côté, le ministre Doughty a déclaré qu'il ne pouvait pas commenter les négociations de souveraineté, qui à lundi, étaient toujours «live» et confidentielles. Il a ajouté que celles-ci seraient faites dans le respect des droits des Chagossiens, tout en protégeant les intérêts sécuritaires du RoyaumeUni, et que toute décision serait communiquée.
Auparavant, il avait démarré la rencontre en réaffirmant son engagement personnel envers le bien-être des Chagossiens. Il a présenté plusieurs initiatives en cours, notamment un projet de 2 millions de livres sterling sur cinq ans, destiné à financer des bourses pour les étudiants chagossiens au Royaume-Uni et à Maurice.
Il a également mentionné des plans futurs, tels qu'un programme de bourses d'études supérieures à l'échelle du Royaume-Uni, un service de tutorat en ligne et un programme de subventions pour les funérailles. Cependant, ces propositions n'ont pas dissipé les inquiétudes exprimées par les participants concernant la situation difficile des Chagossiens, en particulier ceux qui s'installent au Royaume-Uni.
Le ministre Doughty a promis de poursuivre le dialogue avec les représentants chagossiens et de s'assurer qu'ils soient traités équitablement au Royaume-Uni.
À noter qu'Olivier Bancoult et Sabrina Jean du Groupe réfugiés Chagos ont aussi participé à cette discussion virtuelle mais n'ont pas pris la parole.