Pays indépendant avant son annexion, Madagascar a eu une(e) souverain(e) et un gouvernement reconnus sur le plan international, tout en pratiquant la démocratie. Sous les dernières reines, le Premier ministre qui centralise tous les pouvoirs, est assisté de nombreux conseillers.
Dans les grandes occasions, le peuple est convoqué et le monarque expose- en personne ou par la voix du Premier ministre ou d'un porte-parole- la question pour laquelle il veut son approbation et son appui. Et l'assistance est invitée à exprimer librement son opinion.
Vers 1702, par exemple, le grand monarque Andriamasinavalona convie le peuple à un grand kabary (assemblée) sur la place d'Andohalo pour lui annoncer sa décision de partager son royaume entre ses quatre fils. Quelle séance houleuse où son conseiller Andriamampandry s'élève avec véhémence contre ce projet royal!
Durant le règne du grand Andrianampoinimerina, «son» peuple est régulièrement convoqué aux kabary royaux qui se tiennent souvent à Andohalo. On peut même parler d'états-généraux, car chaque population des territoires imériniens, par la voix de son chef et représentant, peut proposer ce qu'elle juge sage. Un Conseil de 70 « vadintany supérieurs » assiste le roi et délibère sur toutes les affaires importantes. De leur côté, les « vadintany inférieurs », sorte de délégués cantonaux, examinent les questions locales et constituent un échelon intermédiaire entre le pouvoir central et les administrés.
Les administrés sont eux-mêmes organisés en fokonolona, collectivités au sein desquelles ils décident de la meilleure manière d'assurer une vie sociale et économique d'entraide et de justice. C'est encore au cours des grands kabary à Andohalo qu'Andrianam-poinimerina soumet au peuple l'ordre de succession au trône et sa décision de condamner ses fils Rabodo-lahy et Ramavolahy qui ont voulu, séparément, le tuer.
Au cours d'une cérémonie identique, son fils préféré et successeur, Radama, proclame la réalisation du rêve de son illustre père: faire de la mer la frontière de ses États. Peu après et fort de l'approbation enthousiaste de son peuple, il entreprend une vaste réorganisation intérieure. C'est ainsi que, décidant la séparation du pouvoir judiciaire et du pouvoir administratif, il confie la judicature suprême aux « andriambaventy », supprime l'épreuve du tanguin et introduit l'enseignement occidental dans son royaume.
En 1868, l'avènement de Ranavalona II donne également lieu à un grand rassemblement populaire où les chefs merina et les vassaux des régions côtières prennent successivement la parole. C'est à cette majestueuse cérémonie que le Premier ministre Rainilaiarivony prononce, raconte-t-on, le meilleur discours de toute sa carrière d'orateur.
Plus tard, au début du XXe siècle, lorsqu'est passée la période de pacification, le général Joseph Gallieni se penche sur le problème de la représentation et édicte le décret du 9 mars 1902, relatif aux fokonolona. C'est cette organisation qui, avec quelques retouches de détail, subsiste jusqu'à la refonte totale décidée par le décret du 9 novembre 1944.
Durant cette période, on essaie avec plus ou moins de succès de mobiliser la population à travers les « mpiadidy »- sorte d'adjoint du chef de canton qui joue le rôle de courroie de transmission entre les administrés et lui- et de les enrôler dans des coopératives.
Le texte de 1944 réorganise les collectivités et s'appuie sur le principe essentiel que « les populations indigènes doivent être associées à notre gestion (française), à nos initiatives et, pour tout dire, à notre action par l'intermédiaire de leurs représentants naturels » (Louis Rakotomalala).
Ces intermédiaires naturels doivent être « sortis de l'ombre » car, selon le gouverneur général de Saint-Mart, « s'ils restent à l'écart, c'est qu'ils sont encore à cette conception primitive que l'Administration est faite pour commander et la masse pour obéir sans qu'elle ait à dire son mot... Le jour où ils comprendront que nous voulons les associer à notre gestion et que nous attendons d'eux autre chose qu'un acquiescement résigné à nos décisions, leur intérêt pour la chose publique ne manquera pas de s'affirmer ».
L'indépendance recouvrée, les fokonolona sont réorganisés assez régulièrement en fonction des idéologies à la mode, prônées par les régimes qui se succèdent au pouvoir, et représentés par des élus aux couleurs politiques bien marquées. On ne sait finalement si ces restructura-tions successives favorisent réellement l'implication de la population dans la gestion de sa circonscription.