Ile Maurice: «De nombreuses femmes ne prennent pas suffisamment de temps pour s'occuper de leur santé»

interview

Quels sont les principaux facteurs de risque à l'origine du cancer du sein à Maurice ? Parmi les facteurs de risque, il y a d'abord les aspects génétiques. Cela signifie que si quelqu'un dans la famille a eu un cancer, la personne est plus à risque d'en développer un. Même si le père a eu un cancer de la prostate, sa fille peut développer un cancer du sein.

Cela ne signifie pas nécessairement que ce sera le même type de cancer, mais la prédisposition est présente. Il y a aussi les antécédents personnels : si une personne a déjà eu un cancer, comme celui du col de l'utérus ou du poumon, elle est plus susceptible de développer un autre type de cancer. C'est un risque majeur pour elle.

Ensuite, il y a les facteurs liés au mode de vie, comme la nutrition et la sédentarité. Par exemple, le manque d'exercice physique, la consommation d'aliments conservés trop longtemps, de fast-food, et une alimentation pauvre en fruits et légumes sont des éléments qui augmentent les risques. Les pesticides jouent également un rôle, mais à Maurice, il n'y a pas suffisamment de recherches sur ce facteur. La cigarette, par exemple, est bien connue pour provoquer le cancer du poumon, et cela a été prouvé par des recherches.

Le stress est également un facteur important, mais là encore, à Maurice, il n'existe pas beaucoup d'études sur le lien entre le stress et le cancer. À l'étranger, de nombreuses recherches ont été menées sur ce sujet.

Avez-vous remarqué une tendance croissante dans le nombre de cas de cancer du sein détectés ces dernières années à Maurice ?

Le nombre de cancers détectés à Maurice augmente chaque année. Les statistiques de 2022 montrent que 617 nouveaux cas ont été recensés, alors qu'auparavant, ce chiffre était de 400, puis il est passé à 500. Cette tendance est mondiale, mais cela reste alarmant pour une petite île comme la nôtre d'avoir autant de cas.

600 personnes diagnostiquées chaque année avec un cancer du sein, c'est énorme. La majorité des patientes ont plus de 40 ans, mais il y a aussi des cas de femmes plus jeunes, âgées de 28 ou 35 ans.

Un problème majeur à Maurice, c'est que les personnes attendent souvent la dernière minute avant de consulter un médecin. Malgré la présence de symptômes précoces, elles retardent la visite médicale. Cela s'explique en partie par un manque de communication et le fait que le cancer reste un sujet tabou. On en parle peu et cela pose un véritable souci. Lorsque les patientes finissent par se rendre à l'hôpital, la mastectomie devient souvent nécessaire.

Pourtant, si elles se faisaient traiter plus tôt, il ne serait pas toujours indispensable d'en arriver là. En agissant à temps, il est parfois possible de simplement enlever la grosseur et de suivre quelques séances de chimiothérapie. Malheureusement, les cas que nous voyons à l'hôpital sont souvent à un stade avancé.

Quel rôle jouent les dépistages précoces dans l'augmentation des chances de guérison, et comment sont-ils encouragés à Maurice ?

Le dépistage précoce est essentiel. Il permet à chaque personne de savoir si elle est en bonne santé ou non. En effet, si un dépistage précoce révèle l'apparition d'une grosseur cancéreuse. En effet, si un dépistage précoce révèle l'apparition d'une grosseur, le cas peut immédiatement être référé aux médecins pour un traitement approprié. Cela augmente considérablement les chances de survie, qui peuvent dépasser les 90 %. De plus, les traitements sont généralement plus efficaces et moins lourds à ce stade.

Il est donc crucial de sensibiliser la population à l'importance du dépistage régulier pour détecter le cancer à un stade précoce, où les options de traitement sont moins invasives et les résultats bien plus prometteurs.

Quels sont les obstacles les plus courants rencontrés par les femmes lorsqu'il s'agit de dépistage précoce et de traitement du cancer ?

À Maurice, il est préoccupant de constater que de nombreuses femmes ne prennent pas suffisamment de temps pour s'occuper de leur santé. Elles se consacrent entièrement à leurs enfants, à leur époux et à leurs parents, souvent au détriment de leur propre bien-être. Lors des campagnes de dépistage, certaines femmes ne se présentent pas, et celles qui le font, lorsqu'on leur propose des tests supplémentaires à l'hôpital, invoquent souvent le manque de temps comme excuse.

C'est vraiment dommage, car cela révèle un manque de priorisation de leur santé. Il n'existe pourtant pas d'obstacles en matière de traitement, car les soins sont gratuits dans les hôpitaux, et de nombreux établissements privés offrent également des services accessibles. Cependant, il est vrai que l'attente pour les dépistages peut être longue à l'hôpital. Par exemple, une femme ayant une anomalie au sein doit faire face à un processus éprouvant : elle doit attendre son tour pour un premier rendez-vous avec un spécialiste, subir une mammographie, puis passer par une biopsie avant de recevoir les résultats.

Ce temps d'attente peut engendrer du stress et de l'anxiété, et cela est une pression inutile à une situation déjà délicate. Il est donc essentiel de sensibiliser les femmes à l'importance de leur santé et de leur bien-être, afin qu'elles se donnent la priorité et se présentent aux dépistages, qui peuvent faire toute la différence dans la détection précoce du cancer. La famille doit toujours être présente pour offrir son soutien, mais nous avons aussi des cas où certaines personnes préfèrent garder le secret sur leur état de santé. Dans ces situations, nous respectons la confidentialité tout en restant à l'écoute de leurs besoins.

Comment l'ONG soutient-elle les patientes diagnostiquées avec un cancer, tant sur le plan médical que psychologique ?

Au niveau médical, nous effectuons des dépistages précoces, mais nous ne posons pas de diagnostic de cancer. Le dépistage précoce nous permet d'identifier une anomalie. Dès que cela est remarqué, nous orientons la personne soit vers l'hôpital, soit vers une clinique privée. Après avoir réalisé tous les tests nécessaires, nous assurons un suivi avec la patiente. Nous restons toujours à l'écoute et offrons un soutien psychologique complet.

Nous proposons des séances de counseling en individuel, en couple et même familial. Après avoir fourni tout ce soutien, nous savons que certaines personnes peuvent perdre leurs cheveux après une chimiothérapie. Pour y remédier, nous offrons des perruques et des prothèses mammaires à celles qui ont subi une ablation du sein.

De plus, nous mettons en place des activités, comme la sophrologie, des séances de tai chi, de yoga et de zumba et des ateliers d'art et de crochet, afin que les femmes puissent se rencontrer en groupe et partager leurs expériences car cela favorise un environnement de soutien mutuel. Nous proposons aussi des thérapies de massages, traitement de lymphoedème, session de nutrition et séance de beauté afin d'encadrer plus nos bénéficiaires.

Quels conseils donneriez-vous aux gens pour réduire leur risque de développer un cancer ?

Nous avons tous des cellules précancéreuses qui peuvent se développer. Il est donc crucial de se faire dépister chaque année et d'intégrer cette démarche dans son calendrier. À Maurice, les gens semblent plus conscients d'autres maladies, comme le diabète, alors que le cancer suscite encore beaucoup de peur.

Certaines personnes préfèrent ne pas connaître le résultat d'un dépistage, tandis que d'autres en discutent ouvertement. Le mot clé ici est «dépistage précoce». Il est essentiel de comprendre son corps et d'être attentif aux signes et symptômes qui pourraient indiquer un problème de santé.

Hausse inquiétante

Les derniers chiffres du Mauritius National Cancer Registry révèlent une augmentation conséquente des nouveaux cas de cancer pour la République de Maurice pour l'année 2022. Avec 3 201 nouveaux cas enregistrés, cela représente une hausse de 11,7 % par rapport à l'année précédente et affectent tant les hommes que les femmes.

Parmi les hommes, le cancer de la prostate se distingue comme le plus fréquent, avec 261 nouveaux cas, représentant 20 % des cas masculins. Le cancer colorectal suit de près avec 193 cas (14,8 %), alors que le cancer du poumon compte 101 cas (7,8 %). D'autres types notables incluent le cancer de la vessie (74 cas) et le cancer de l'estomac (66 cas).

Pour les femmes, le cancer du sein est le plus répandu, avec 617 cas, soit 35,5 % de l'ensemble des cas féminins. Le cancer du corps de l'utérus et le cancer colorectal arrivent respectivement en deuxième et troisième positions, avec 168 cas (9,6 %) et 157 cas (9 %). D'autres cancers tels que le cancer de l'ovaire (135 cas) et le cancer du col de l'utérus (98 cas) complètent le tableau.

L'âge moyen au moment du diagnostic est préoccupant, avec 63,5 ans pour les hommes et 59 ans pour les femmes. Un constat alarmant est que 60,6 % des cancers ont été détectés chez des personnes de 60 ans et plus. En outre, 62,4 % des cancers chez les femmes ont été diagnostiqués durant leurs années productives, entre 15 et 64 ans.

En 2022, sur un total de 12 938 décès, 1 577 étaient attribués à des cancers. Les hommes ont enregistré 751 décès, tandis que 826 décès ont été notés chez les femmes. Le cancer colorectal était la principale cause de décès par cancer chez les hommes, suivi du cancer de la prostate et du cancer du poumon, chacun représentant 14 % des décès. Pour les femmes, le cancer du sein demeure la cause principale, avec 219 décès, suivi du cancer colorectal et du cancer de l'ovaire.

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