À Madagascar, les pénuries d'eau s'aggravent dans la capitale. Depuis une semaine, les nuits tananariviennes sont rythmées par les grondements d'une population en colère, exaspérée par le mépris et l'inaction des autorités, et lasse de passer de longues heures dans le noir, à attendre, parfois en vain, l'eau au pied des bornes. Dans plusieurs quartiers, le précieux liquide n'a pas coulé depuis un an dans les maisons et se fait rare, même aux fontaines publiques.
Dans le quartier de Soavimasoandro, l'immense citerne bleue, fraîchement installée, est la plupart du temps vide. Les trois camions citernes qui assurent le ravitaillement peinent à remplir régulièrement les quelque 160 cuves de secours installées dans la capitale.
Depuis trois mois Tiana, une habitante de ce quartier de la capitale de Madagascar, n'a d'autre choix que de se lever en pleine nuit, parcourir les 400 mètres qui la mènent à la borne fontaine et attendre, raconte-t-elle, que vienne son tour : « Tous les deux jours, avec mes enfants, on se lève à 3h du matin pour aller chercher de l'eau. Et on attend environ 1h30 pour remplir nos 5 bidons de 20 litres. Avant, on arrivait à la pompe, l'eau sortait, on repartait. Maintenant, on passe notre nuit sur place parce qu'il n'y a qu'un filet qui sort. Je rentre vers 5h à la maison et après je file travailler à l'usine. Je n'y arrive plus... C'est trop fatigant. »
Gisèle, elle, n'a plus la force de subir des nuits sans sommeil. Voilà deux ans que son quartier d'Andraisoro subit de graves pénuries d'eau. Alors, la cuisinière a décidé de payer un voisin qui fait la queue pour elle et lui livre ses bidons. Un sacrifice financier pour préserver sa santé mentale : « 60 % de mon salaire, je le dépense pour acheter de l'eau. De l'eau pour boire, pour faire à manger, se doucher, la lessive, pour vivre finalement... L'eau est devenue notre première préoccupation. »
La semaine passée, les habitants de son quartier ont exprimé leur ras-le-bol en brûlant des pneus et en barrant les routes avec des bidons. « Si ça continue comme ça, il va y avoir des grèves partout » prévient Gisèle. « L'électricité, on n'en parle même plus : 5 à 6h de coupure par jour. Finalement, on pourrait presque dire "tant pis pour l'électricité ! ". Certains ont la chance d'avoir des panneaux solaires. Mais l'eau, c'est vital ! »
Une production d'eau insuffisante
Le Conseil des ministres a promis 35 forages pour combler le manque d'eau, dont 7 directement dans Antananarivo-ville. Chaque infrastructure devrait être dotée d'une station de pompage solaire, d'une unité de traitement intégrée et d'un réservoir bonbonne. Des promesses qui n'émeuvent plus les habitants.
« Nous cherchons des solutions immédiates pour combler ce manque, en attendant les solutions à long terme », a confié Lalaina Andrianamelasoa, le ministre de l'Eau, de l'assainissement et de l'hygiène, il y a 10 jours.
« Le fond du problème de la capitale, c'est l'insuffisance de la production par rapport à la demande. Nous ne produisons quotidiennement que 200 000 m³ d'eau, alors que les besoins s'élèvent à plus de 300 000 m³ », a indiqué un responsable de la Jirama, la société en charge de la distribution d'eau.
Dans son dernier Conseil des ministres, l'exécutif a par ailleurs invité les individus logeant dans les « grandes maisons » ou les « villas » à rationnaliser elles-aussi l'eau pour permettre une « distribution équitable de la ressource en ces périodes sèches ».
La saison des pluies sur les Hauts-Plateaux démarre habituellement à la mi-octobre. Les prévisions météorologiques seront, plus que jamais, scrutées cette année.