L'autre 7 octobre, journée mondiale de l'architecture, l'Ordre des Architectes m'a offert une tribune pour plaider, une énième fois, la cause de la «Trano Gasy».
Ces «Trano Gasy», qui montent à l'assaut d'Ambondrona ou de Faravohitra, qu'on rencontre à Andravoahangy-Ambony ou Ankaditapaka, et dont on salue les derniers représentants sur la Haute-Ville, donnent son cachet à l'Iarivo des poètes, l'Analamanga des Kalon'ny Fahiny, «Tana» pour les intimes.
Contrairement à nombre de villes des pays colonisés, Antananarivo avait son identité visuelle, et donc architecturale, bien avant le débarquement des administrateurs coloniaux en 1896. Cette identité visuelle s'estompe malheureusement chaque jour. Ignorance des propriétaires, impuissance ou indifférence des pouvoirs publics, contraintes alimentaires bien connues, se conjuguent pour assassiner l'Antananarivo qu'on aime.
Quand le Maire Naina Andriantsitohaina avait fait installer une «Trano Gasy» au jardin d'Ambohijatovo ou sur la place d'Antsahatsiroa, il s'inscrivait dans la démarche dite du «carreau cassé», rendue populaire par un autre Maire, Rudy Giuliani, à la tête de New York de 1994 à 2001 : quand on laisse une vitre brisée à une fenêtre, l'impression d'abandon livrera tout le bâtiment, et bientôt le quartier, jusqu'à toute la ville, et en définitive le pays, à la dégradation générale.
Chaque «Trano Gasy» qui disparaît devient un «carreau cassé» dans le paysage tananarivien. Il faut rapidement remettre de la «Trano Gasy», spectacle de l'éducation au beau et à l'esthétique dans les esprits. Une «Trano Gasy» pour occuper le terrain qui, sinon, serait livré à un hangar, quelque chose de juste utilitaire et très rentable au mètre carré.
J'ai ici une pensée émue pour cette «Trano Gasy» d'Andravoahangy saccagée par son nouvel acheteur qui voulait un espace de stockage pour ses balles de friperies. Je songe à ces deux «Trano Gasy» à Ambanidia, sans autre prétention que d'exister, à l'ombre du cube de béton qui a poussé comme un champignon. Même «modernité» très envahissante comme cette autre tour de verre et d'alu, à Ankadifotsy, bâtie sur la moitié d'une «Trano Gasy» victime de déchirures familiales.
Partie d'Antananarivo, cette architecture a essaimé dans le Grand Tana, sur les collines de l'Imerina, le long d'un axe qui mène à Fianarantsoa. Au bord du lac Alaotra, même à Maevatanàna et ailleurs encore. Quand on édite des cartes postales, quand on peint un tableau, quand on «dessine-moi Antananarivo», c'est toujours la «Trano Gasy» qu'on met en scène. Sans ses «Trano Gasy», heureux syncrétisme architectural du 19ème siècle, Antananarivo ne serait plus Antananarivo, unique parce que différente.