Madagascar: Les magistrats interdits d'entretiens privés

Le ministère de la Justice prend une mesure pour lutter contre la corruption judiciaire. La décision fait débat.

Des magistrats ferment leurs portes aux usagers. « Les magistrats ne peuvent plus recevoir d'usagers, en raison des consignes émanant d'en haut », selon une annonce signée par la procureure de la République du Tribunal de première instance de Fianarantsoa, Tinah Rabendrainy, affichée dans ce tribunal, d'après un reportage effectué par des journalistes à Fianarantsoa, au début de ce mois d'octobre. Une circulaire les aurait « interdits d'entretiens privés avec des usagers». Une information confirmée par une source auprès du ministère de la Justice, hier. Cette mesure aurait été prise pour renforcer la lutte contre la corruption qui gagne du terrain dans les tribunaux. Les entretiens privés pourraient favoriser cette corruption judiciaire.

« Ce sont souvent les personnes les plus démunies et moins éduquées qui n'ont pas beaucoup de connaissances, qui viennent frapper à nos portes pour demander des conseils. Nous comprenons leur souffrance, en ce moment, mais nous n'y pouvons rien. Nous devons suivre les instructions. Toutefois, le tribunal doit toujours disposer d'une porte ouverte pour la population », explique Tinah Rabendrainy, au micro des journalistes locaux.

Principale mission

Cette instruction ne concernerait pas uniquement les magistrats. Le corps des greffiers aurait également reçu l'instruction de suspendre les entretiens avec les usagers. « C'est impossible. Le greffier est le pont entre les usagers et les magistrats. De plus, qui va traiter leurs dossiers, comme les copies, les commandes d'arrêt ? Où pourront-ils récupérer leur jugement, si nous ne pouvons pas entrer en contact avec eux ? », s'interroge Alain Michel Randriamaro, président du syndicat national des greffiers. Malgré cela, les greffiers continuent à recevoir des personnes qui ont recours au service du tribunal.

Le Garde des Sceaux, Benjamin Rakotomandimby, admet la présence de la corruption dans son département. Beaucoup font les frais de cette corruption judiciaire. À l'instar de Hery R., qui a une affaire en justice depuis janvier 2018. « Renvoyé par mon employeur en 2017, j'ai eu gain de cause pour licenciement abusif, tant en fond qu'en forme, en 2020. J'ai fait un appel car le jugement contenait une erreur. Le développement indiquait que je devrais percevoir un dommage de 8 millions d'ariary, un montant trop faible par rapport à mes années de travail dans la société et le motif du licenciement. Mais encore, dans la conclusion, il est indiqué un dommage de 2 millions d'ariary », raconte cet homme.

À chacun de ses discours, le ministre de la Justice rappelle sa principale mission dans ce ministère, qui est de « diminuer le taux de corruption ». Des magistrats et des greffiers désapprouvent la mesure prise au sein de son département.

« Si on veut vraiment mettre fin à la corruption, on doit arrêter, d'abord, les gros poissons. L'exemple vient d'en haut! », propose Alain Michel Randriamaro. « Laissez les magistrats faire leur travail ! », a indiqué Tinah Rabendrainy.

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