Afrique: Mohamed El Aichouni, représentant de la BADEA à Agri Forum Finance 2024 - « Le Burkina est un partenaire de choix »

interview

La IIIe édition de Agri Finance Forum (AFF) tenue les 20 et 21 septembre 2024, à Abidjan, en Côte d'Ivoire était placée sous le parrainage de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA). En marge de cet évènement, Sidwaya s'est entretenu avec le représentant du président de la BADEA, à ce Forum, Mohamed El Aichouni. Dans cette interview, il aborde, entre autres, les missions de la BADEA, ses différents guichets et les conditions d'éligibilité et d'accès à ses financements, sa contribution au développement socioéconomique de l'Afrique Subsaharienne.

Présentez-nous quelque peu la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) ?

La BADEA a été créée en 1973 par les 18 Etats arabes membres de la ligue arabe. Elle a commencé ses activités en mars 1975, avec comme ultime objectif, aider les pays africains subsahariens à réaliser leur développement à travers un certain nombre d'instruments tels que les prêts pour le secteur public, le développement du secteur privé et la fourniture de l'assistance technique nécessaire au développement de ces pays (formation des cadres, études de faisabilité, fourniture d'équipements, etc.). La BADEA est une institution dont les capitaux proviennent des pays arabes.

Mais, le financement des interventions se fait exclusivement dans les pays africains subsahariens. C'est la caractéristique de la BADEA dont les actions ou les capitaux viennent des pays arabes, mais les investissements ne se font pas dans les pays arabes. Ils se font dans les pays africains subsahariens qui sont au nombre de 45.

Qui peut bénéficier du financement de la BADEA et à quelles conditions ?

En ce qui concerne les interventions de la BADEA, elles sont guidées par un certain nombre de modes de financement. D'abord, nous avons un guichet pour le secteur public. Cela concerne pratiquement les projets présentés par les Etats africains à la BADEA, avec un certain nombre d'études qui les accompagnent et qui concernent pratiquement tous les secteurs : les infrastructures, le transport, l'approvisionnement en eau potable, la santé, l'éducation, la formation professionnelle, l'environnement, etc. Les Etats africains subsahariens sont tous éligibles à ce guichet. Moyennant un certain nombre de critères, ils peuvent donc bénéficier de prêts qui sont accordés par la BADEA.

Le deuxième guichet, concerne le secteur privé, qui peut aussi bénéficier de l'assistance de la BADEA, selon un certain nombre de critères. La BADEA octroie des prêts à des institutions de financement nationales ou régionales qui sont impliquées dans le développement. Et ces institutions de financement qui reçoivent ces prêts, à leur tour, accordent des crédits au secteur privé directement. Autrement dit, la BADEA ne donne pas directement de prêts aux entreprises du secteur privé ou à des individus. Elle est obligée de passer par des institutions de financement qui sont reconnues au niveau d'un Etat ou au niveau d'une région.

Ces institutions de financement peuvent être les banques commerciales ?

Non. Les banques commerciales sont plutôt concernées par le guichet dénommé « commerce extérieur ». Ainsi, les Etats africains peuvent bénéficier de prêts de la BADEA pour importer un certain nombre de produits stratégiques des pays arabes. Il s'agit par exemple des produits chimiques, pharmaceutiques, les engrais, les pesticides, etc. C'est un guichet à part entière pour l'importation des produits stratégiques des pays arabes, mais aussi pour l'importation des produits des pays africains vers les pays arabes.

Le troisième guichet est celui de l'assistance technique. A ce niveau, ce ne sont pas des prêts, mais des dons non remboursables qui sont offerts par la BADEA. Ils sont conçus pour aider les pays africains dans un certain nombre de domaines. Par exemple, la préparation des études de faisabilité, pour les secteurs comme : l'agriculture, les routes, le transport, la santé, l'éducation. Cela veut dire que la BADEA peut financer, sous forme de dons non remboursables, ces études de faisabilité.

Le deuxième volet de ce guichet concerne le financement de la formation des cadres africains dans les domaines liés au développement de leurs pays. Et, il y a aussi la fourniture d'équipements tels que le matériel de bureau, les équipements informatiques. La BADEA peut aussi financer toujours dans le cadre de l'assistance technique des petits projets générateurs de revenus dans le milieu rural africain, en particulier en faveur des femmes et des jeunes.

Quels sont les taux d'intérêt des financements de la BADEA ?

La BADEA a été créée pour développer la coopération technique, financière et économique avec les Etats africains et de ce fait, elle appliquait des taux d'intérêt concessionnels entre 1 et 2% par an pour une durée de 20 à 30 ans et des périodes de grâce de 5 à 10 ans. Cependant, vue l'augmentation des demandes de financement, la BADEA a commencé à prendre en considération le niveau du développement des pays bénéficiaires, lequel est fixé par la banque mondiale et le FMI (pays à revenus faibles, à revenus moyens et les pays à revenus élevés). Cela concerne les projets du secteur public d'une manière générale.

Et qu'en est-il des prêts pour le secteur privé ?

C'est la même chose. Le secteur privé étant considéré comme levier du développement en Afrique, la BADEA lui accorde un intérêt particulier tout en prenant en compte l'évolution du marché financier international. Il est à noter que la BADEA a toujours favorisé cette coopération africaine avec le monde arabe à travers l'octroi de crédits à des taux qui sont moins élevés par rapport aux taux des autres bailleurs.

Y a-t-il des critères ou conditionnalités politiques qui sont associés aux financements de la BADEA, comme cela se fait avec certaines institutions financières occidentales où des critères politiques, de bonne gouvernance démocratique, de respect des droits humains sont souvent mis en avant ?

La BADEA n'a pas ce type de critères et n'interfère pas dans la politique intérieure des pays bénéficiaires, contrairement à d'autres bailleurs. Ce qui nous intéresse est que l'objectif du pays bénéficiaire soit conforme aux orientations de la stratégie 2030 de la BADEA et à son plan de développement. A titre d'exemple, ces dernières années, il y a eu un certain nombre d'embargos imposés à des pays par des bailleurs. Mais, la BADEA n'a jamais mis en application ces sanctions. Elle a plutôt toujours continué à favoriser la coopération et à investir dans ces pays, abstraction faite de leur politique intérieure.

Après cinq décennies de coopération entre la BADEA et l'Afrique, quel bilan peut-on en faire ?

C'est un bilan très positif. La BADEA a financé plusieurs centaines de projets et d'assistance technique contribuant ainsi au développement des pays africains. Elle a fourni un grand effort en Afrique subsaharienne qui a amorcé un certain nombre de chantiers répondant aux attentes des populations. A travers des projets de construction de barrages, de développement du monde rural, de construction des écoles, des universités, des centres de santé, des hôpitaux, etc., la BADEA a contribué effectivement et de manière positive et manifeste, à l'amélioration des conditions de vie des populations des pays africains.

Pouvez-vous nous citer quelques grands projets financés par la BADEA en Afrique ?

En Côte d'Ivoire, nous avons la construction du centre hospitalier universitaire d'Abobo qui est un grand hôpital, avec une capacité de 600 lits, et différentes spécialités. Nous avons aussi un projet de logements sociaux, une partie de l'autoroute du Nord et des centres de formation professionnelle. Nous finançons pratiquement les mêmes types de projets dans tous les pays africains subsahariens.

Pour ce qui est du Burkina Faso, avez-vous quelques exemples de projets financés par la BADEA ?

Le Burkina est un partenaire de choix pour la BADEA et de ce fait, il a reçu des dizaines de prêts et de dons. Je vais juste citer quelques projets importants comme la construction de la route de Kongoussi-Djibo, l'approvisionnement en eau potable de la ville de Ouagadougou, la ligne de crédit pour la création d'emplois, la construction de l'aéroport international de Ouagadougou-Donsin et la construction de l'hôpital régional de la ville de Ziniaré.

Vous êtes là pour Agri Finance Forum (AFF 2024). Qu'est-ce qui justifie la présence de la BADEA à cette activité ?

Selon la vision de la BADEA, le développement des chaines de valeurs agricoles et la sécurité alimentaire font partie du troisième pilier de sa stratégie 2030. Pour nous, c'est un aspect primordial. Le président de la BADEA, Dr Sidi Ould Tah, a accepté de parrainer cet événement, car il correspond exactement à l'un des objectifs principaux poursuivis par la BADEA en matière de développement agricole en Afrique. Notre présence se justifie donc et nous sommes très heureux d'être là pour contribuer, avec les autres partenaires, à trouver des solutions susceptibles de répondre aux défis que connaît l'agriculture en Afrique.

Votre message à vos partenaires ?

La BADEA est ouverte à tous les partenariats, que ce soit au niveau technique, financier ou économique, pour qu'ensemble nous essayons d'aider notre continent à faire face à l'ensemble des défis économiques, sociaux et environnementaux, et accélérer la transformation des économies africaines et partant, améliorer les conditions de vie des populations de nos Etats respectifs.


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