· Traitement spécial pour un proche du pouvoir ?
Le magistrat Neeshal Jugnauth a soumis sa démission mardi matin et, à peine quelques heures plus tard, il était déjà présent sur le terrain dans la circonscription no 6 (Grand- Baie-Poudre-d'Or), où il devait être présenté comme candidat du Mouvement socialiste militant aux élections générales. La rapidité avec laquelle sa lettre de démission a été traitée suscite des interrogations, surtout en comparaison à ceux qui ont récemment quitté la magistrature. Ces derniers ont dû donner un préavis de départ ou terminer toutes les affaires qu'ils traitaient, conformément aux directives de la Judicial and Legal Service Commission (JLSC).
La démission de Neeshal Jugnauth a pris effet immédiatement mardi alors que ses affaires fixées pour être entendues à la Financial Crimes Division (FCD) de la cour intermédiaire où il siégeait sont toujours en suspens. Cela soulève des questions sur le rôle de la JLSC en matière de démissions et de transferts des magistrats. Traditionnellement, la JLSC s'assure que les continuations et autres travaux en cours sont complétés par le magistrat responsable avant son départ. Le délai pour quitter son poste dépend généralement de la fin de ces affaires en cours.
Par exemple, l'ancienne magistrate Valentine Mayer avait donné un avis de démission très tôt en mai, mais elle a attendu d'avoir terminé ses jugements en suspens avant de partir en juillet. De même, la magistrate du tribunal de Curepipe, Pooja Gya, avait donné un préavis de plus d'un mois avant de quitter son poste, le temps de finir son travail et de faire une passation appropriée. Le Senior District Magistrate Rishi Hardowar, en poste au tribunal de Flacq, a lui soumis sa démission le 20 septembre et, à ce jour, il n'a toujours pas reçu l'approbation de la JLSC sur la date à laquelle il pourra quitter son poste car il doit également terminer ses affaires en cours.
En revanche, Neeshal Jugnauth, qui a démissionné mardi, a été libéré de ses fonctions immédiatement, malgré le fait qu'il ait encore plusieurs affaires en cours. Il compte 32 dossiers au total, dont 20 à la FCD et 12 à la cour de district, section civile. Autre fait intéressant : sur la liste des affaires fixées pour la semaine, publiée depuis vendredi dernier déjà, à partir de mercredi, soit le lendemain de sa démission, aucune affaire ne lui était assignée en tant que magistrat.
Un seul procès était au programme mardi, une affaire qui a d'ailleurs été renvoyée. En fait, sur les case lists des semaines précédentes, l'ancien magistrat avait une semaine chargée. Pour plusieurs observateurs, la décision de la JLSC de procéder aussi rapidement à sa démission intrigue, d'autant plus que l'attitude adoptée envers d'autres magistrats diffère.
On se rappellera que dans le passé, la JLSC avait transféré la magistrate Meenakshi Gayan-Jaulimsing de la cour industrielle, mais avait dû la faire retourner à son poste immédiatement après, car elle présidait le procès de l'ex-chef pilote Salim Toorabally qui réclamait Rs 192 millions à Air Mauritius en cour industrielle. Elle avait entendu cette affaire durant plus de trois ans, une affaire qui remontait à plusieurs années, et cela aurait été compliqué d'assigner une nouvelle magistrate pour reprendre l'affaire à zéro. La JLSC avait donc opté pour qu'elle retourne à la cour industrielle pour terminer le procès avant son transfert.
Cette situation démontre que la logique de la JLSC est qu'un magistrat qui démissionne doit terminer ses affaires avant de partir. La rapidité avec laquelle la démission de Neeshal Jugnauth a été acceptée soulève donc des questions sur la cohérence des pratiques de la JLSC en matière de gestion des démissions et des transferts. Certains s'interrogent sur les raisons qui ont conduit à cette exception, se demandant même si «c'est parce qu'il est le cousin de Pravind Jugnauth». Nous avons sollicité des explications de la JLSC, sans succès.