C'est une première au Niger : neuf ex-responsables du régime de Mohamed Bazoum renversé par un putsch en juillet 2023 ont été déchus de leur nationalité sur décret du chef de la junte, jeudi 10 octobre. Décryptage d'une décision qui pose plusieurs questions.
Le couperet est tombé jeudi 10 octobre avec un décret du général Abdourahamane Tiani, le chef du CNSP, la junte militaire au pouvoir au Niger : neuf proches de l'ancien président nigérien Mohamed Bazoum renversé par un coup d'État le 26 juillet 2023 ont provisoirement été déchu de leur nationalité après que leur nom a été inscrit dans un fichier recensant les personnes ou les entités « impliquées dans des actes de terrorisme ou dans toutes autres infractions portant atteinte aux intérêts stratégiques de la nation ».
Tous sont soupçonnés d'intelligence avec une puissance étrangère et de complot contre l'autorité de l'État. Parmi ces personnalités figurent, entre autres, le général Abou Tarka, de la Haute autorité à la consolidation de la paix, ou encore Rhissa ag Boula, qui occupait le poste de conseiller en sécurité du président Bazoum.
Alors que Niamey a ratifié les textes internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l'homme qui interdisent de rendre une personne apatride - « Tout individu a droit à une nationalité », proclame par exemple celle-ci -, « comment un Nigérien peut-il alors être déchu de sa nationalité s'il n'en possède aucune autre ? », s'interroge un juriste.
Une mesure destinée à faire taire les voix dissidentes
Alors que le document du gouvernement nigérien précise par ailleurs qu'il s'agit d'une déchéance de nationalité provisoire - elle ne deviendrait définitive qu'en cas de condamnation à une peine d'au moins cinq ans de prison des individus concernés -, l'un de ces derniers estime que cette mesure ne fait que formaliser un état de fait. « Nous avons déjà perdu notre pays et notre nationalité puisque nous ne pouvons ni rentrer chez nous, ni obtenir le moindre document administratif nigérien », commente-t-il.
De l'avis de plusieurs observateurs, cette décision n'est donc rien d'autre qu'une façon de faire taire toute voix dissidente. Pour l'un d'entre eux, il s'agirait en outre d'une mesure symbolique destinée à discréditer ceux qu'elle vise. Les voix discordantes ne sont dès lors plus vues comme celles d'opposants politiques, mais comme émanant de traîtres à la patrie.
Un acte grave en raison des droits civils et politiques attachés à la nationalité
L'analyse du Dr Adamou Issoufou, professeur de droit public à l'université Cheick Anta Diop de Dakar