C'est une rengaine, qui va et qui vient, repart et réapparaît depuis 20 ans maintenant. Il suffit, pour cela, que le président camerounais, qui a officiellement plus de 93 ans, soit parti en long voyage ou qu'il ne paraisse pas en public un bon moment.
Il en a été ainsi tout au long de la semaine dernière, où dans le Cameroun, et même au-delà, la rumeur de son décès a envahi la toile, les chaumières et les ondes de radios peu professionnelle au point que le ministre de l'Administration territoriale a dû pondre un communiqué, mercredi dernier, pour interdire tout débat sur le sujet : « Depuis un certain temps, des personnes sans scrupules inondent les médias et les réseaux sociaux de nouvelles mensongères sur l'état de santé du président de la République. Ces élucubrations ont pour objectifs malsains de perturber la quiétude des Camerounais, semer la confusion et le doute dans les esprits en vue d'installer le pays dans l'incertitude. »
C'est, entre autres, des mots forts employés dans le communiqué du MAT, lequel faisait suite à 2 autres diffusés par le ministre directeur du cabinet civil et par le ministre de la Communication porte-parole du gouvernement. 3 communiqués en l'espace d'une semaine, cela en dit long sur la peine des autorités de Yaoundé à stopper les folles rumeurs sur la présumée disparition de Paul Biya.
Pourquoi tant d'efforts à la limite de la frénésie pour imposer une omerta sur un sujet aussi crucial ? « Le chef de l'Etat est la Première institution de la République. De ce fait, les débats sur son état relèvent du domaine de la sécurité nationale », précise le communiqué du MAT. C'est justement à cause de l'importance du statut de Paul Biya que les Camerounais sont friands de conjectures sur sa santé, lui rétorquent les distilleurs de rumeurs. Ils veulent plus que les communiqués ministériels pour se convaincre que cette nouvelle absence prolongée de leur président ne vient pas confirmer l'état de vieillesse avancée du nonagénaire.
Ils ont des raisons de s'inquiéter, ceux qui scrutent l'horizon politique du Cameroun. En effet, le président du Sénat, Marcel Niat Njifenji, le dauphin constitutionnel de Paul Biya, qui aura 90 ans le 26 octobre prochain, n'est pas en forme pour prendre les rênes du pouvoir. Il montre des « signes de fatigue avancée, d'incapacité physique », selon plusieurs observateurs de la scène politique camerounaise. Au demeurant, le président du Sénat a été longtemps absent du pays entre décembre 2023 et mars 2024, pour des raisons de santé. Dès lors, ont-ils tort ces analystes qui stigmatisent le régime de Paul Biya comme une "douce autocratie" avec à la manoeuvre au sommet de l'Etat des "dinosaures en voie d'extinction" ? Non.
Qu'arriverait-il si le président camerounais n'était plus en mesure d'assurer ses fonctions au moment où son dauphin constitutionnel est lui aussi quelque peu impotent ? Une succession à problèmes serait-elle, comme qui dirait, en téléchargement au pays d'Amadou Ahidjo, lui qui avait eu la sagesse de passer volontairement la main à un certain Biya en 1982 ?
On attend d'être démenti par la réapparition publique d'un "fantôme qui vous salue" et vous "donne rendez-vous dans 20 ans", pour ses funérailles.