DAKAR — La culture du mil associée au niébé (haricot) contribue à réduire la prolifération des nématodes phytoparasites (qui dé Médoune Mbengue ruisent les plantes), des ravageurs des plantes, sur les cultures.
C'est ce que révèle une étude menée par des chercheurs sénégalais et de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), durant la saison des pluies, entre 2016-2017, dans le village de Diohine, au Sénégal.
Pour obtenir ce résultat, un réseau de 12 champs a été établi, comprenant six champs situés à proximité des habitations appelés champs de case (amendés régulièrement avec du fumier) et six champs éloignés appelés champs de brousse (non amendés depuis au moins 10 ans), explique à SciDev.Net Médoune Mbengue, ingénieur agronome et principal auteur de l'étude.
"Les résultats de cette recherche permettront aux agriculteurs d'avoir des pratiques intéressantes sur le plan écologique et d'avoir également un meilleur rendement"Cathy Clermont-Dauphin, IRD
« Ce réseau a été utilisé dans le cadre d'un dispositif expérimental où le régime d'amendement (amendé ou non) constituait le facteur principal, avec deux modalités : champs de case et champs de brousse, chacun comptant six champs », explique le chercheur.
Il ajoute que le type de culture (monoculture ou culture intercalaire) a été considéré comme facteur secondaire, avec quatre modalités : monoculture de mil, monoculture de niébé, culture mixte mil-niébé avec la même densité de mil que pour la monoculture et 20 % de la densité d'une culture pure de niébé, culture mixte mil-niébé avec 60 % de la densité d'une culture pure de niébé.
La comparaison des différents résultats a permis de montrer que la culture de niébé favorise la prolifération des nématodes phytoparasites, tandis que la culture mixte mil-niébé réduit leur présence.
Pour le chercheur, les raisons qui ont motivé ces travaux restent « la volonté d'aider le monde agricole à trouver des réponses, à travers des pratiques culturales durables, aux enjeux actuels tels que le changement climatique ».
Meilleurs rendements
Medoune Mbengue estime également que l'association du mil et du niébé sur les mêmes sols a plusieurs avantages, parmi lesquels une amélioration significative des rendements agricoles.
« Les résultats de cette recherche permettront aux agriculteurs d'avoir des pratiques intéressantes sur le plan écologique et d'avoir également un meilleur rendement », renchérit Cathy Clermont-Dauphin, chercheur à l'IRD et co-auteur de cette étude.
Selon Alioune Badara Mbengue, président du cadre interprofessionnel de la filière niébé au Sénégal, la culture mixte (mil-niébé) permet de sauver les sols et d'améliorer leur rentabilité : « Quand on fait ces deux cultures ensemble, le rendement est meilleur », argumente-t-il.
À l'en croire, la culture mixte du mil et du niébé est une très bonne chose pour les acteurs de la filière, surtout au niveau de la perte des sols dans certaines zones comme la région de Louga où les sols sont très pauvres.
La culture mixte (mil-niébé) est une pratique très bénéfique, soutient Aissatou Faye, agricultrice à Diohine dans la région de Fatick. « Cette combinaison permet une meilleure utilisation de l'eau, car les racines des deux plantes exploitent différentes profondeurs du sol », dit-elle.
Elle ajoute que cette association mil-niébé réduit aussi les risques d'échec de la récolte : si l'une des cultures souffre d'un manque d'eau ou de parasites, l'autre peut encore prospérer.
Fertilisation des sols
Ndiaga Diouf, biologiste et spécialiste de l'amélioration des plantes au département de biologie végétale de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, qui n'a pas pris part à cette étude, souligne que toutes les cultures légumineuses participent à la fertilisation des sols parce que le niébé, comme les autres légumineuses, fixe l'azote de l'air et contribue à enrichir le sol en engrais biologique.
« Toute la paille issue du niébé après récolte, quand on la laisse sur le sol, contribue également à enrichir le sol. Nous sommes dans une période où l'accès aux engrais est problématique, les engrais sont de plus en plus chers et les producteurs n'ont pas suffisamment de moyens pour se procurer les engrais chimiques, note-t-il.
Laurent Cournac, chercheur écophysiologiste à l'IRD et co-auteur de l'étude, abonde dans le même sens. « L'introduction des légumineuses dans les systèmes de cultures est très intéressante. Elle permet aux cultivateurs de se passer des intrants azotés », précise le chercheur.
En outre, cette technique permet de stimuler les processus biologiques qui peuvent être intéressants pour entretenir les systèmes de cultures, fait-il savoir.
Selon les explications de Médoune Mbengue, l'utilisation de fertilisants organiques, par le biais de résidus de culture ou de fumure organique, contribue à réduire la sévérité des attaques des nématodes phytoparasitaires.
En effet, les cultures de mil et de niébé, bénéficiant de cette fertilisation organique, deviennent plus résistantes et mieux équipées pour supporter ces attaques. La fertilisation organique favorise également le développement de nématodes non phytoparasitaires tels que fongivores, bactérivores et omnivores.
Pour le chercheur, ces nématodes peuvent générer des interactions complexes et des mécanismes d'autorégulation entre eux et les nématodes phytoparasitaires.
Ces interactions contribuent à réduire la pression parasitaire exercée par les nématodes phytoparasitaires sur les plantes de mil et de niébé, améliorant ainsi leur santé et leur résilience.
Rôle crucial
Médoune Mbengue souligne que la communauté scientifique met souvent l'accent sur les services écosystémiques fournis par les légumineuses lorsqu'elles sont associées à des céréales.
Cependant, cette étude révèle que les céréales, dans ce contexte, jouent également un rôle crucial pour les légumineuses. En effet, il a été observé une forte diminution des nématodes Pratylenchus lorsque le niébé était associé au mil.
Pour autant, Laurent Cournac, rappelle que l'association mil-niébé favorise parfois l'apparition de certains parasites potentiellement nocifs pour d'autres types de cultures. Ce qui, à terme, pourrait constituer une réelle menace, selon ses explications.
D'où la réflexion de Médoune Mbengue qui affirme que « à la lumière de ces résultats, il est évident que les services écosystémiques fournis par les céréales lorsqu'elles sont en association avec des légumineuses méritent une exploration plus approfondie ».