Tunisie: Invasion du poisson-lapin sur nos côtes - A quand la valorisation de cette espèce ?

14 Octobre 2024

Suite au réchauffement progressif de la Méditerranée, le phénomène de la migration lessepsienne a pris de l'ampleur. Ainsi, les côtes tunisiennes, notamment Mahdia, sont actuellement envahies par le poisson-lapin (lagocephalus) qui s'est introduit de la mer Rouge à travers le canal de Suez.

Cette espèce est très dangereuse; elle contient une toxine puissante, la tétrodotoxine, qui est présente dans sa chair et ses organes internes. Cette substance peut être mortelle pour l'homme. Cette invasion de poisson-lapins n'est pas la première. En 2003, cette espèce a été observée au golfe du Gabès. En 2014, un nombre de poisson-lapin a été décelé aux côtes de Bizerte. On compte 206 espèces de la même famille, mais le poisson-lapin est le plus dangereux, puisqu'il secrète des toxines qui sont considérées parmi les plus puissantes qui affectent l'homme, soit la tétrodotoxine», explique Mme Ramla Bouhlel, ingénieur en génie halieutique et environnement à l'association notre Grand Bleu.

Une espèce toxique

La consommation du poisson-lapin provoque une intoxication alimentaire par la tétrodotoxine, une neurotoxine hydrosoluble puissante pouvant affecter le système nerveux central. C'est une des toxines les plus violentes des espèces marines. Les organes tels que le foie, les gonades et la peau des poissons contiennent des concentrations élevées de tétrodotoxine suffisante pour provoquer une mort violente. La toxine est stable à la chaleur et n'est pas détruite par la cuisson, l'ébullition, le séchage ou la congélation. Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas d'antidote ou antitoxine connu.

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En plus d'être venimeux pour l'homme, la présence massive des poissons-lapins, dont le broutage crée des déserts sous-marins, affecte les communautés algales littorales et par conséquent les peuplements de poissons côtiers. Avec ses dents aiguës, le poisson-lapin déchire les filets des pêcheurs et mord les baigneurs. «Le poisson-lapin entre en compétition avec les poissons côtiers. Il est en phase d'adaptation à la Méditerranée, d'autant plus que les conditions lui sont favorables, notamment l'augmentation des températures et les forêts d'algues. Il attaque les autres espèces et essaye d'occuper leur place. C'est un poisson vorace et féroce qui rase tout et ne laisse pas les autres espèces se nourrir», ajoute Mme Bouhlel. D'après elle, «l'intervention de l'Etat devient indispensable pour sauver les écosystèmes marins. Il ne suffit pas de sensibiliser les gens, mais il faut mettre en place une stratégie de valorisation de cette espèce».

La valorisation, une solution

En 2015, le crabe bleu avait aussi envahi nos côtes. Il présentait un cauchemar pour les pêcheurs, car il causait la destruction des filets et de la faune marine. Mais la situation a été renversée en faveur des pêcheurs. Le crabe bleu, espèce invasive très appréciée par le consommateur étranger, s'est transformé en une opportunité économique.

D'après un rapport du Fonds mondial de la nature, le crabe bleu représente aujourd'hui près de 25% des exportations de poisson dans le pays. Il rapporte à la Tunisie près de 50 millions de dinars. «Intervenant, l'Etat a mis en place une stratégie pour la valorisation de cette espèce. Actuellement, on compte 19 usines de transformation et 50 entreprises d'exportation de carpe bleu.

On aimerait bien que les autorités concernées s'interviennent pour valoriser le poisson-lapin. Nous avons entendu parler que la Turquie utilise la peau de ce poisson dans la confection des sacs à main. En Tunisie, il faut encourager les chercheurs à faire des études. Et pourquoi pas approfondir les recherches sur la tétrodotoxine, afin d'être exploitée dans l'industrie pharmaceutique », conclut notre ingénieur en génie halieutique.

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