Au Mali, le groupe Wagner, supplétif de l'armée nationale, a intensifié ses opérations dans la commune de Nampala, région de Ségou, dans le centre du pays, près de la frontière mauritanienne. La semaine dernière, une vingtaine de personnes ont été arrêtées et deux autres tuées. Les jihadistes du Jnim, lié à al-Qaïda, sont très présents dans la zone, mais les populations locales rapportent des arrestations massives et des exécutions extra-judiciaires menées par le groupe Wagner.
Ils sont passés à Ndorgollé, Sikere-Tamba, Fagui, Peretouma, Sikere Ndoupa... Mardi 8 et mercredi 9 octobre 2024, des hommes de Wagner ont arrêté, devant témoins, une vingtaine de personnes dans des hameaux de la commune de Nampala, parmi lesquels des chefs traditionnels et même un vieillard incapable de se déplacer seul.
Depuis, leurs proches sont sans nouvelles - certains les tiennent pour morts. Deux corps ont également été retrouvés, l'un égorgé, l'autre calciné, à Ndorgollé, et deux personnes sont portées disparues.
Aucun combat n'a été rapporté. Les témoins n'évoquent que le groupe Wagner, et non les militaires maliens. Enfin, plusieurs dizaines de bovins ont été tués - une autre forme de condamnation pour les communautés d'éleveurs peuls.
Wagner à Nampala depuis fin mai
L'armée malienne n'a pas communiqué sur ces opérations et, sollicitée par RFI, n'a pas donné suite. Au mois de mai, les hommes de Wagner se sont installés dans le camp militaire malien de Nampala. Auparavant, ils devaient venir des camps voisins de Niono, Diabaly ou même de Léré pour patrouiller dans le secteur.
Des exactions de Wagner et des soldats maliens ont déjà été rapportées dans cette zone où des charniers ont même été découverts dès mars 2022.
Plus récemment, selon les sources locales, administratives, sécuritaires, communautaires, humanitaires jointes par RFI, Wagner a intensifié ses opérations à Nampala au cours de l'été, avec plusieurs dizaines de personnes arrêtées ou tuées pendant le mois d'août. Plus globalement, plusieurs sources estiment que le niveau d'intensité des opérations militaires a monté d'un cran à Nampala depuis environ une année.
Il faut dire que les jihadistes de la Katiba Macina du Jnim (Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans), liée à al-Qaïda, sont depuis des années très actifs dans la zone : ils posent régulièrement des mines artisanales sur le passage des patrouilles militaires et contraignent les habitants de nombreux villages à se soumettre à leurs règles : versement de la zakat, voile imposé aux femmes et pantalon court aux hommes, interdiction de la musique pendant les cérémonies, obligation de prier d'une certaine manière, etc.
En septembre 2023, les rebelles du CSP (Cadre stratégique permanent) avaient quant à eux attaqué deux camps militaires maliens situés un peu plus au nord, à Léré et Dioura.
« Vengeance »
Les sources jointes par RFI déplorent la présence jihadiste, mais perçoivent et décrivent les incursions de Wagner comme des actes de « vengeance » frappant les populations sans distinction, et non comme des opérations antiterroristes visant à protéger les habitants.
« S'ils arrêtaient des gens sur la base de renseignements précis et qu'ensuite, ils transmettaient à la Justice ceux contre qui ils ont des éléments, ce serait normal, explique une notabilité locale, mais cela ne se passe pas comme ça ici. Ils tuent les gens sur place ou font des arrestations massives. Ensuite, il y a des gens qu'ils libèrent, et d'autres dont on reste sans nouvelles. » De nombreuses personnes finalement relâchées ont rapporté des actes de torture : membres cassés, brûlures, simulacre de noyade...
« Auparavant, on ne fuyait pas quand l'armée arrivait. Maintenant, tout le monde a peur d'être arrêté ou tué par Wagner », rapporte encore un ressortissant de Nampala.
Ces derniers mois, des centaines de familles de la commune se sont déplacées, majoritairement vers la Mauritanie voisine. Beaucoup s'y étaient déjà résolu avant cela, pour échapper aux violences des jihadistes ou à celles de l'armée malienne et du groupe Wagner.