L'accès à l'Assemblée nationale pour l'ouverture de la session ordinaire a été restreint pour la presse. Seuls des médias inscrits dans une liste préétablie ont eu le droit de couvrir la séance, qui est pourtant publique.
Une aberration. Un qualificatif sur lequel les journalistes sont unanimes quant à une mesure appliquée à l'Assemblée nationale durant la cérémonie d'ouverture de la session ordinaire, hier. Les journalistes ont été soumis à un tri sélectif. Seuls ceux dont les médias ont été inscrits dans une liste préétablie ont été autorisés à accéder au palais de Tsimbazaza pour la couverture de l'événement d'hier. Ni les journalistes victimes de ce tri sélectif, ni l'Ordre des journalistes de Madagascar (OJM), qui n'a pu joindre les responsables de la Chambre qu'après plusieurs tentatives, n'ont eu d'explication sur les raisons de cette décision.
Les critères retenus pour établir la liste des organes autorisés à couvrir la cérémonie d'hier n'ont pas non plus été indiqués. Les médias exclus de la liste n'ont pas non plus été préalablement informés de l'existence de ce tri à l'entrée. Après plusieurs minutes de négociation, l'OJM a pu obtenir l'accès des journalistes laissés pour compte à l'intérieur du domaine de l'institution de Tsimbazaza. Toutefois, ces derniers n'ont pas eu accès à la salle des séances pour les photos ou vidéos, ni même à la zone réservée à la presse.
Allant à la rencontre des journalistes, le député O'Gascar Fenosoa Mandrindrarivony, issu du monde des médias, a expliqué qu'après avoir demandé des explications au secrétaire général de l'Assemblée nationale, « il m'a répondu que c'est une mesure prise par le bureau permanent en raison de la capacité d'accueil de l'institution, après l'expérience vécue durant la session spéciale et la présentation de la PGE [Programme général de l'État] ».
Entrave à la Constitution
Les accompagnateurs des membres du gouvernement, invités à la cérémonie, ainsi que leurs photographes, ont été autorisés à avoir accès à la salle des séances et à la zone réservée au public et à la presse. Plusieurs journalistes disposant d'une carte de presse professionnelle attribuée par l'OJM ont cependant été tenus à l'écart. Cette carte autorise pourtant les journalistes à accéder à tout événement à caractère public.
Pour leur première session ordinaire, en ce début de mandature des nouveaux députés, la mesure appliquée hier à la Chambre basse frôle une atteinte à la liberté de la presse et à une entrave à la Constitution. Il ne s'agit pas d'une première, par ailleurs. Lors de la présentation de la PGE par le Premier ministre, en août, la presse privée a été évincée au motif que seuls les cadreurs de la télévision nationale TVM, chargés de la retransmission en direct, pouvaient avoir accès à la salle des séances.
En son article 77, la Constitution dispose pourtant que « les séances de l'Assemblée nationale sont publiques », sauf si le quart de ses membres ou du gouvernement demandent une séance à huis clos. La cérémonie d'ouverture d'hier a été une séance publique. Par ailleurs, la Loi fondamentale, toujours, en son article 11, prescrit que « tout individu a droit à l'information », et ajoute que « la liberté d'information, quel que soit le support, est un droit ».
La presse, donc, ainsi que les journalistes, sont les acteurs, par excellence, qui permettent aux citoyens de jouir du droit en l'information. Sur ce point, la loi portant code de la communication médiatisée souligne en son article 7, modifié en 2020, « qu'aucun journaliste ne peut être empêché ni interdit d'accès aux sources d'information (...) Le journaliste a le droit de s'informer sans entrave sur tous les faits d'intérêt public ».
Tous les débats et discours qui se tiennent à la Chambre basse sont de caractère public. Même ceux qui concernent les affaires propres de l'institution, puisque, souvent, ils impactent les deniers publics, comme lorsqu'il est question de l'attribution de véhicules tout terrain aux députés. Ces derniers martèlent que le siège de l'Assemblée nationale est « le palais de la démocratie ». Comme le rappelle l'OJM dans une déclaration publiée suite à l'événement d'hier, « le respect de la liberté de la presse est un des gages de la démocratie ».