Alors que Maurice s'approche à grands pas des prochaines élections législatives, prévues dans moins d'un mois, la marmite politique ne cesse de bouillonner. Journalistes et observateurs sont sollicités de toutes parts pour suivre cette compétition électorale intense, qui promet d'être l'une des plus disputées depuis des décennies. Les dynasties pourraient jouer leur survie : des quatre, deux vont disparaître forcément dans le sillage d'une défaite.
À six jours du dépôt des candidatures, les grandes manœuvres s'intensifient. Les principales alliances - l'Alliance Lepep, l'Alliance du changement, et la dernière née : Linion Reform - affûtent leurs armes politiques, tandis que les candidats indépendants espèrent se frayer un chemin dans le débat public. Chacune de ces formations se prépare non seulement sur le terrain, mais aussi dans les esprits des électeurs, cherchant à marquer des points dans une course où l'accès aux médias et le financement jouent un rôle central. L'opposition, privée de la couverture bienveillante de la MBC, mise beaucoup sur la presse indépendante, tout en admettant que les réseaux sociaux, même si exploités à fond, ne suffiront pas à atteindre la majorité des électeurs.
Le discours de l'Alliance Lepep, au pouvoir, est limpide : leur bilan économique et social, combiné à des promesses électorales soigneusement calibrées, formerait, selon eux, un argument de taille pour obtenir un troisième mandat consécutif (Pravind 3.0). Depuis 2014, cette coalition a su consolider son emprise sur le pouvoir, profitant de chaque scrutin pour renforcer ses positions. Le soutien de petites formations politiques fait de l'Alliance Lepep une machine électorale bien rodée, malgré quelques accrocs dans certains bastions traditionnels comme les circonscriptions numéros 6 et 18. Ces dérapages sont vite étiquetés comme des «erreurs de parcours», mais ils révèlent l'intensité de la compétition interne, où chaque alliance tente de se démarquer.
Cependant, c'est la question du financement des campagnes électorales qui cristallise les préoccupations dans cette élection. L'Alliance du changement, composée principalement du Parti travailliste (PTr) et du Mouvement militant mauricien (MMM), fait face à des difficultés financières notoires. L'aveu de ces contraintes, comme exprimé lors d'un meeting à Rivière-des-Anguilles, met en lumière l'un des principaux défis de l'opposition : l'accès limité aux ressources financières. Alors que le camp au pouvoir semble bénéficier d'un financement plus fluide, certaines figures de l'opposition n'hésitent pas à conseiller aux électeurs d'accepter l'argent offert par les adversaires, tout en votant pour le changement. Une stratégie révélatrice des dysfonctionnements systémiques autour du financement des partis politiques à Maurice.
Les spécialistes des sciences politiques s'accordent à dire que la question du financement est un facteur clé dans la distorsion des processus démocratiques. En effet, lorsque les ressources financières influencent de manière disproportionnée les campagnes électorales, les idéaux démocratiques d'égalité et de représentation sont compromis. Jacques Attali rappelle à ce sujet que «la démocratie moderne est prisonnière du capitalisme financier», une affirmation qui résonne particulièrement fort à Maurice. L'influence de l'argent sur les résultats électoraux, ainsi que les pratiques de clientélisme observées sur le terrain, posent la question de la résilience de notre système électoral face à de telles pressions.
Mais au-delà des considérations économiques, c'est l'immobilisme politique qui semble hanter le paysage mauricien. Depuis des décennies, le jeu politique est dominé par des dynasties et des alliances qui se succèdent au pouvoir sans véritable renouvellement. Cet immobilisme, nourri par une absence de nouvelles figures ou de nouvelles idées, est souvent cité comme un obstacle au développement démocratique. La dynamique politique actuelle semble confirmer cette analyse : les mêmes acteurs, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, reviennent sans cesse sur la scène, laissant peu de place aux nouvelles générations ou aux voix dissidentes ou innovantes. Le ton, le fond et la façon d'haranguer la foule n'ont pas changé. C'est fou à tel point les jeunes aussi se croient obligés de crier dans un micro pour «passer leur message».
À bien voir, les élections législatives à venir mettent en lumière les failles structurelles de la politique mauricienne. L'absence de financement public transparent des campagnes et l'immobilisme institutionnalisé laissent peu de place à l'innovation politique.