Cameroun: La valeur du titre foncier remise en question face à la corruption croissante

16 Octobre 2024
opinion

Le système foncier au Cameroun traverse une crise profonde, avec une multiplication alarmante des litiges et une recrudescence des actes de corruption. Cette situation soulève de sérieuses interrogations sur la valeur et la fiabilité du titre foncier, censé être la garantie ultime de la propriété immobilière dans le pays.

En 2020, une statistique frappante a mis en lumière l'ampleur du problème : 85% des affaires portées devant les tribunaux camerounais concernaient des litiges fonciers. Ce chiffre révèle non seulement l'importance cruciale de la question foncière dans la société camerounaise, mais aussi les dysfonctionnements profonds du système actuel de gestion des terres.

Le rapport 2023 de la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC) vient confirmer ces inquiétudes en pointant du doigt de nombreuses irrégularités au sein des administrations décentralisées du domaine et des affaires foncières. Parmi les problèmes majeurs identifiés, on retrouve :

1. La prolifération de faux titres fonciers

2. L'annulation abusive de titres fonciers légitimes

3. Des actes de corruption à différents niveaux de l'administration

Ces pratiques frauduleuses, perpétrées en violation flagrante des textes légaux, ébranlent les fondements mêmes du système foncier camerounais.

Le titre foncier, initialement conçu comme un document inattaquable garantissant la propriété, se trouve aujourd'hui au coeur d'un paradoxe. Censé apporter une sécurité juridique absolue, il devient de plus en plus souvent source d'insécurité et de conflits. Cette situation pose la question cruciale : que vaut encore véritablement le titre foncier au Cameroun ?

Pour comprendre l'ampleur de la crise, il faut considérer plusieurs facteurs :

1. Corruption systémique : Les révélations de la CONAC suggèrent que la corruption dans le secteur foncier n'est pas un phénomène isolé, mais bien un problème systémique touchant diverses strates de l'administration.

2. Surcharge judiciaire : Avec 85% des litiges portant sur le foncier, le système judiciaire se trouve engorgé, ralentissant le traitement des affaires et prolongeant l'insécurité juridique.

3. Perte de confiance : La multiplication des cas de fraude et d'annulations abusives de titres fonciers érode la confiance du public dans le système, encourageant potentiellement le recours à des pratiques informelles ou illégales.

4. Impact économique : L'instabilité du système foncier peut freiner les investissements, tant nationaux qu'étrangers, dans le secteur immobilier et le développement infrastructurel.

5. Tensions sociales : Les conflits fonciers sont souvent source de tensions communautaires et peuvent exacerber les inégalités sociales.

Face à cette situation critique, des réformes profondes s'imposent pour restaurer la crédibilité du système foncier camerounais. Parmi les pistes à explorer :

- Renforcement des contrôles et des sanctions contre la corruption dans le secteur foncier

- Modernisation et numérisation des registres fonciers pour limiter les risques de fraude

- Formation accrue du personnel administratif et judiciaire aux enjeux fonciers

- Simplification des procédures d'obtention et de vérification des titres fonciers

- Sensibilisation du public aux droits et procédures en matière foncière

La résolution de cette crise foncière est cruciale pour le développement économique et la stabilité sociale du Cameroun. Elle nécessitera une volonté politique forte et une approche coordonnée impliquant tous les acteurs du secteur.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.