Gambie: Quand Barrow acte le reniement

Adama Barrow, président de la Gambie
17 Octobre 2024
analyse

Le Président Adama Barrow qui avait mis un terme au régime du président Yahya Jammeh, à l’issue d’un scrutin plein de rebondissements, vient d’annoncer au State House, sa candidature à la présidentielle de 2026, devant une presse largement en sa faveur.

L’événement de ce 15 Octobre 2024 aurait été d’une simple normalité pour un président sortant, et qui sollicite le suffrage des électeurs gambiens. Sauf que cette décision va donner raison à ceux qui dès le départ, c’est-à-dire à l’élection du Président Barrow en 2021 pour un mandat de 5 ans, avaient dit que la Gambie allait entrer dans « l’ère des mandats à problème ».

En effet, faut-il le rappeler Adama Barrow nouvellement élu, après le départ de Yahya Jammeh sous la poussée de la force de la CEDEAO, avait déclaré son engagement en faveur d’un mandat de transition de 3 ans. Au final il en a fait un d’une durée de 5 ans sans bruit, à part quelques interpellation de la société civile.

A moins de deux ans de la fin de son second mandat, certains observateurs et pas des moindres comprennent maintenant pourquoi le projet de nouvelle constitution de Mars 2020, qui devait marquer l’entrée de la Gambie sous la 3ème République n’a pas été voté par le parlement à la majorité des 75% des députés, comme le prévoit la loi, pour son entrée en vigueur. Tout ça pour ça dira-t-on !

Oui en effet, la nouvelle Constitution qui prévoyait une limitation des mandats à deux, dont celui en cours pour le Président Barrow, est resté à quai, ce qui juridiquement inscrit le pouvoir de Barrow sous le régime de la Constitution de 1997 de Yayhya Jammeh qu’on voulait abolir. Ainsi donc, le verrou de la limitation des mandats est devenu sans objet, raison pour laquelle Barrow s’autorise avec emphase à briguer un troisième mandat.

Pourquoi alors avoir mis en place une commission de révision de la constitution, pour en définitive, user d’une majorité à l’Assemblée pour bloquer l’adoption de son texte, faute d’une majorité qualifiée ? C’est inédit, car le texte lui-même à l’époque, a été salué comme consensuel et projetait la Gambie dans le cercle restreint des « nouvelles démocraties ».

Il reste entendu que sur le plan juridique et au regard des textes de la CEDEAO, le président Barrow a encore le temps de procéder à des réformes, si tant est que sa volonté initiale demeure, malgré les appels de ses partisans du NPP à briguer un 3ème, voire un 4ème mandat, car rien ne s’y opposerait alors.

La seule question qui se pose est de savoir quelle sera l’attitude de l’opposition, notamment son principal challenger, Ousainu Darboe de l’UDP (Parti Démocratique Unifié). D’ores et déjà, Ousman Jallow le leader du mouvement progressif de la Gambie, qui par ailleurs a créé un parti politique dénommé parti pour la libération du peuple de Gambie (GPLP), se veut très clair. Il a demandé au président Barrow de suivre les pas de son « ami » Macky Sall, et de « renoncer à un 3ème mandat pour ne pas se trouver sur les routes de l’exil après sa défaite en 2026 ».

La bataille est loin d’être gagnée pour Barrow et ses partisans, si l’on sait que le parti de Darboe (UDP) dont il est un des dissidents avait gagné les dernières élections municipales y compris la capitale sur un score qui en dit long 209 465 voix contre 194 247 voix au niveau national, devant le NPP au pouvoir.

Le président Adama Barrow vient ainsi de poser un acte qui ressemble fort à un reniement. Il fait un pari risqué.

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