La réactivation des enquêtes de la Cour pénale internationale en RD Congo pourrait aider à combler le « fossé d'impunité » dans ce pays
Le 14 octobre, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim A. A. Khan, a annoncé que son bureau allait « réactiver » ses enquêtes en République démocratique du Congo, en particulier sur les crimes perpétrés dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022. Cette action a été motivée par la demande du gouvernement congolais formulée à la CPI en 2023.
La CPI enquête sur les crimes graves commis en RDC depuis 2004, lorsque le gouvernement avait demandé pour la première fois à cette juridiction internationale d'intervenir. Cette enquête a conduit à l'ouverture de poursuites à l'encontre de six suspects, tous d'anciens chefs de groupes armés. Quatre individus ont été jugés pour des crimes commis dans la province de l'Ituri en 2002-2003, aboutissant à la condamnation de trois d'entre eux et à un acquittement.
Les deux autres affaires, relatives à des crimes commis au Nord-Kivu en 2009, n'ont jamais donné lieu à un procès. Human Rights Watch a exhorté à plusieurs reprises le Procureur de la CPI de se pencher non seulement sur la responsabilité des commandants rebelles dans les graves exactions commises dans l'est de la RD Congo depuis des années, mais aussi sur les crimes présumés perpétrés par de hauts responsables gouvernementaux et militaires de la RD Congo, du Rwanda et de l'Ouganda.
La reprise de l'enquête pourrait être une occasion de remédier à l'absence de condamnations et de combler le « fossé d'impunité » qui alimente les graves exactions au Nord-Kivu, en Ituri et ailleurs.
Les violations des lois de la guerre en RD Congo se poursuivent encore, de manière grave. Human Rights Watch a fait état d'atrocités commises par le groupe armé M23, notamment des meurtres de civils, des viols collectifs, des pillages et des destructions de biens. En 2024, l'armée rwandaise et le M23 ont bombardé sans discrimination des camps de déplacés et d'autres zones densément peuplées près de Goma, au Nord-Kivu.
L'armée congolaise et les milices alliées ont accru les risques sécuritaires pour les personnes déplacées en déployant de l'artillerie lourde à proximité des camps où elles sont regroupées. Les soldats congolais et les combattants alliés ont commis des meurtres, des viols et d'autres violences sexuelles, et placé en détention arbitraire des personnes déplacées.
Karim Khan s'est engagé à enquêter sur toutes les parties belligérantes, malgré la demande du gouvernement congolais de se concentrer sur le M23. Les États parties au Statut de Rome de la CPI, devant la charge de travail considérable de la Cour, devrait lui fournir le soutien dont elle a besoin pour s'acquitter de son mandat dans l'ensemble de ses dossiers.
Mais la CPI est une juridiction de dernier recours, qui ne peut tout faire, seule. La déclaration du Le Procureur de la CPI a salué à juste titre la décision des autorités congolaises de mettre en place « comité de pilotage pour travailler à l'établissement d'une Cour pénale spéciale pour la RDC ». La création d'un mécanisme de justice internationalisé pour compléter le travail de la CPI et des tribunaux nationaux est attendue de longue date et contribuera, espérons-le, à combler le fossé en matière d'impunité. Le gouvernement congolais devrait rapidement promouvoir ce projet, avec l'aide de la CPI et d'autres partenaires internationaux.
Maria Elena Vignoli, Conseillère juridique senior, programme Justice internationale