Dakar — L'adoption du projet de décret portant collecte de la rémunération pour copie privée en conseil des ministres, mercredi, marque la fin d'un combat de près de seize ans mené par les artistes sénégalais depuis l'adoption en 2008 de la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins.
Après le vote de cette loi en 2008 et la signature des décrets d'application en 2017, une commission présidée par le producteur Aziz Dieng avait été mise en place la même année pour réfléchir sur le modèle, les objets et les mécanismes de mise en oeuvre de la rémunération pour copie privée.
Après deux ans de travail, dans "un esprit très positif pour aboutir à un consensus", la première décision a été remise au ministre de la Culture et de la Communication d'alors Abdoulaye Diop en septembre 2020 lors d'une audience accordée à la commission.
Depuis cette date, les artistes ont usé de tous les moyens pour se faire entendre auprès des différentes autorités sénégalaises, notamment les ministres Abdoulaye Diop et Aliou Sow qui se sont succédé à la tête du département de la Culture, le chef de l'Etat Macky Sall profitant des audiences accordées ou lors de rassemblements.
Le premier grand rassemblement a eu lieu lors de la présentation du rapport annuel de la Sodav en juin 2022, au théâtre national Daniel Sorano, où le monde de la culture a directement interpellé le président Sall, réclamant de vive voix la signature du décret de rémunération de la copie privée.
"La copie privée, c'est mon droit, je l'exige. Les artistes réclament la copie privée. La copie privée bafouée depuis dix ans. Hommes politiques, respectez les droits des artistes", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des artistes lors de la rencontre de présentation du rapport.
"Nous profitons de cette assemblée générale annuelle de la Sodav pour faire un plaidoyer envers le président de la République, pour la mise en oeuvre effective de la rémunération pour copie privée", avait pour sa part dit la PCA Ngoné Ndour.
L'AMS s'est aussi mêlée à cette bataille pour la copie privée à travers des communiqués ou des conférences de presse pour exiger l'application de ce décret.
A la veille de la fête de la musique en juin 2023, le président de l'AMS, Daniel Gomes n'excluait pas de recourir à la justice pour l'application de la copie privée.
"Nous sommes également prêts à envisager toutes les options disponibles, y compris le recours à des instances juridiques, si nécessaire, pour faire valoir les droits des artistes et pour que l'effectivité de la copie privée soit enfin une réalité", a-t-il dit lors d'un entretien accordé à l'APS en prélude à la fête de la musique.
La confédération internationale du droit d'auteur en Afrique a prêté main forte aux différentes associations des artistes sénégalais abordant la question lors d'un atelier à Dakar.
Le producteur et fondateur du studio Sankara, le rappeur Didier Awadi, revenant sur les différentes actions menées, avait dit : "Avec le ministre Abdoulaye Diop [ancien ministre de la Culture], on lui a mis un peu de pression, rien ne s'est passé. A la présidence, lors d'une audience, le Président [de la République] lui a dit de mettre le taux à 10 %, il ne s'est rien passé jusqu'aujourd'hui. Abdoulaye Diop est parti. Un nouveau ministre de la Culture et du Patrimoine historique est nommé", s'était offusqué Didier Awadi lors d'une conférence de presse des artistes en décembre 2023, après une campagne de deux semaines sur les réseaux sociaux pour prendre l'opinion à témoin.
Il rappelle qu'à l'arrivée du professeur Aliou Sow, au département de la Culture, il lui a été dit qu'il y avait deux enjeux dans le secteur : la copie privée et le statut de l'artiste.
Malgré les nombreuses promesses faites par l'ancien régime, notamment celle du président Macky Sall en janvier 2024 lors du FESNAC à Fatick, aucun décret d'application de la rémunération pour copie privée n'a été prise jusqu'au départ de son régime.
Dès son arrivée à la tête du département de la Culture, Khady Gaye Diène avait indiqué que cette question avait été inscrite parmi "les mesures urgentes" de sa feuille de route pour le secteur.
Aujourd'hui, après six mois, le projet de décret portant collecte de la rémunération pour copie privée a été examiné et adopté en conseil des ministres le 16 octobre 2024.