Afrique de l'Ouest: Au Sahel, les militaires continuent de museler les médias

Les violations de l'espace civique les plus courantes enregistrées par CIVICUS Monitor ont été la détention de journalistes, suivie par la perturbation des manifestations, la censure, l'intimidation et la détention de manifestants. Près de la moitié des mises à jour de CIVICUS Monitor dans 28 pays différents mentionnent la détention de journalistes. ( Photo d'illustration)
17 Octobre 2024

Les médias dans le Sahel se retrouvent en difficulté à cause de la situation sécuritaire et des restrictions imposées par les militaires au pouvoir.

Au Sahel, de nombreux médias ont été interdits car ils diffusaient une information jugée trop critique par les autorités. Le scénario s'est ainsi répété à l'identique : dès leur arrivée au pouvoir par la force, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les militaires ont pris des mesures pour museler les médias, en commençant par les médias internationaux.

Camille Montagu, de Reporters sans frontières Afrique subsaharienne, évoque le cas du Niger.

"RFI et France 24, par exemple, ont été suspendus une semaine après le coup d'Etat de Niamey, en juillet 2023. Le Niger avait suivi les traces de ses voisins, où les suspensions étaient tout aussi évidentes. Les correspondants ont connu le même sort, certains décidant de quitter le Niger au bout de quelques mois et après plusieurs agressions", explique-t-elle.

"La descente aux enfers"

Newton Ahmed Barry, journaliste burkinabè en exil, rappelle la genèse du rétrécissement de l'espace médiatique dans son pays, qui a commencé avec la suspension de la presse internationale.

"Je me rappelle qu'en décembre 2022, deux mois après son arrivée au pouvoir (le capitaine Ibrahim Traoré, le chef de la junte au pouvoir, ndlr), lorsqu'il a suspendu RFI, j'ai dit aux journalistes que c'était un mauvais signal. Ils pensaient que c'était pour revaloriser la presse nationale, alors que c'était la descente aux enfers", se souvient le journaliste.

Les médias internationaux ne sont pas les seuls à être victimes de la répression des pouvoirs militaires : les médias locaux en font également les frais. Dans un pays non sahélien, mais aussi dirigé par des militaires, la Guinée, en mai 2024, le gouvernement a retiré les agréments à de nombreux médias.

Parmi eux : la radio et la télévision Espace, dont Facely Konaté était l'un des directeurs. Il regrette que "depuis la prise de cette décision, personne n'est venu pour dire clairement ce qu'on reproche à ces médias, pour dire clairement quels sont les propos qui portent atteinte à l'ordre public et à l'unité nationale. On se cache derrière cette argumentation qui ne tient pas debout. Il ne s'agit de rien d'autre que la volonté de museler les voix critiques et de restreindre l'accès à l'information".

Menace djihadiste

En dehors des médias frappés d'interdiction, des dizaines d'autres radios communautaires, qui opèrent dans des territoires contrôlés par les groupes djihadistes, ont du mal à remplir leur mission en raison de l'insécurité.

En novembre 2023, deux journalistes maliens, Saleck Ag Jiddou et Moustapha Koné, ont été enlevés lors d'une attaque dans le nord du Mali. Un troisième journaliste, Abdoul Aziz Djibrilla, a été tué ce jour-là. Tous trois travaillaient pour des radios communautaires.

En mars dernier, c'est un journaliste tchadien, Idriss Yaya, de la radio communautaire de Mongo, qui a été assassiné alors qu'il se trouvait avec sa famille. Celui-ci avait été plusieurs fois menacé en raison de sa couverture des conflits intercommunautaires.

Dans ces conditions, Reporters sans frontières redoute que le Sahel ne devienne une zone de non-information.

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