Cameroun: L'opacité gouvernementale de Paul Biya défie la constitution et les lois

18 Octobre 2024
opinion

Au Cameroun, l'opacité gouvernementale s'est érigée en système sous la présidence de Paul Biya. Cette pratique, qui défie ouvertement la Constitution et les lois du pays, se manifeste à travers un langage codé et des actions qui contournent systématiquement les obligations légales et constitutionnelles.

Le vocabulaire de l'indéfini est devenu la norme dans la communication gouvernementale. Des expressions telles que "dans les prochains jours", "progressivement", "en temps opportun" ou "plus tard" sont utilisées pour éviter tout engagement concret. Cette stratégie permet au pouvoir de repousser indéfiniment ses responsabilités sans jamais avoir à rendre de comptes.

Le président Biya, au pouvoir depuis 1982, a perfectionné l'art de manipuler le cadre légal à son avantage. Même lorsque la loi fixe des délais précis, comme pour la tenue des élections locales, le chef de l'État trouve toujours le moyen de les reporter, instrumentalisant la législation pour servir ses intérêts politiques.

Cette opacité s'étend également aux dispositions constitutionnelles visant à promouvoir la transparence et à lutter contre la corruption. L'article 66 de la Constitution, qui exige la déclaration des biens et avoirs des gestionnaires de crédits publics, reste lettre morte. De même, la mise en place d'institutions cruciales comme la Haute Cour de Justice, chargée de juger les hauts responsables de l'État suspectés de haute trahison, est constamment repoussée.

Plus préoccupant encore, la présence physique du chef de l'État sur le territoire national n'est plus considérée comme une obligation. Bien que la Constitution stipule que "Yaoundé est le siège des institutions", le président Biya s'absente régulièrement du pays pendant des semaines, voire des mois, sans fournir d'explications ni subir de conséquences politiques. Cette situation est justifiée par l'absence de texte limitant la durée des séjours présidentiels à l'étranger, une interprétation qui va à l'encontre des principes de gouvernance responsable.

Cette culture de l'opacité et du contournement des règles est profondément ancrée dans le système politique camerounais. Elle est soutenue par une classe politique qui semble avoir renoncé aux normes d'efficacité et de performance gouvernementale observées dans les pays démocratiques.

Pour sortir le Cameroun du "long tunnel noir" dans lequel il est plongé depuis des années, un changement radical de paradigme est nécessaire. Il est impératif de restaurer le respect de la Constitution, de renforcer les institutions démocratiques et d'instaurer une véritable culture de la transparence et de la redevabilité à tous les niveaux de l'État.

Sans ces réformes profondes, le Cameroun risque de s'enfoncer davantage dans une crise de gouvernance qui menace non seulement son développement économique mais aussi sa stabilité politique à long terme.

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