Depuis que des voix à l'intérieur du Mouvement militant mauricien (MMM) s'étaient élevées contre une alliance avec le Parti travailliste (PTr) en vue des élections générales de 2014, l'éclatement du parti à l'origine de l'entrée sur la scène politique locale de la notion du progressisme, prônant des réformes profondes et radicales de la société mauricienne, était inévitable.
En choisissant de participer à ces élections là où Paul Bérenger allait être candidat, Ivan Collendavelloo, une des têtes pensantes du MMM, avait osé lancer un véritable défi au leader du parti. Le MMM y a laissé quelques plumes mais a, de toute évidence, repris du poil de la bête puisque la lutte politique dans cette circonstance ressemble à une question de vie ou de mort pour le parti.
Il s'agit d'un qualificatif que les résultats des trois dernières élections générales peuvent justifier dans une très large mesure. Une dissidence qui veut lancer un défi à Paul Bérenger, leader incontesté, charismatique et emblématique du MMM, tantôt salué avec la plus grande admiration et déférence, tantôt haï avec la véhémence la plus prononcée.
Défi qui consiste à faire la démonstration que si certains ont été incapables de s'épanouir au mieux de leur potentiel au sein du MMM, ils peuvent le faire ailleurs. C'est ainsi que cette dissidence pour protester contre la trop grande proximité du MMM avec son adversaire traditionnel qu'est le PTr, représentée par Ivan Collendavelloo, Alan Ganoo et Steven Obeegadoo, a débouché sur l'émergence des trois plateformes respectives que sont le Muvman Liberater (ML), le Muvman Patriot Morisien (MPM) et la Plateforme Militante (PM).
En avril, le MPM et la PM ont fusionné pour constituer une nouvelle structure, baptisée Linite Militant. Grâce à leur partenariat avec le Mouvement socialiste militant (MSM), les trois ex-militants ont occupé des postes importants dans les gouvernements successifs de Pravind Jugnauth et ont ainsi eu l'occasion de faire la démonstration de ce dont ils sont capables au service de la population mauricienne.
C'est en 2014 que la circonscription no 19 (Stanley Rose-Hill) devient le théâtre de cette guerre fratricide au sein du MMM avec non seulement la création du ML d'Ivan Collendavelloo, mais aussi avec son entrée sur la scène politique lors des élections générales de 2014. Ivan Collendavelloo a en face de lui Paul Bérenger, qui est en alliance avec le PTr.
Coup d'essai, coup de maître d'Ivan Collendavelloo. Il se fait élire avec une performance de 56,048% et une avance de 3 057 votes devant le leader charismatique du MMM, relégué à la troisième place derrière Fazila Jeewa-Daureeawoo, qui devance Paul Bérenger par 343 votes. Paul Bérenger, lui, devance Maistry Ramalingum, le troisième candidat de l'Alliance Lepep par seulement 329 votes.
Deven Nagalingum, qui lors des consultations populaires de 2010 est arrivé en tête juste derrière Paul Bérenger avec une performance de 16 693 votes, ne recueille que 11 558 votes en 2014. Ivan Collendavelloo va pousser l'outrecuidance de la dissidence plus anti-Paul Bérenger qu'anti-MMM en obtenant, outre la sienne, l'élection de Sangeet Fowdar, Anil Gayan, Ravi Rutnah, Anwar Husnoo, Eddy Boissézon et Toolsyraj Benydin.
Vieux renard du combat sur la scène impitoyable de la politique, Paul Bérenger se voit face à une situation qu'il a connue à maintes occasions dans le passé, et qui lui a appris que c'est lorsqu'un homme touche le plancher qu'il est plus à même de rebondir et de refaire surface. Il va en faire la démonstration lors des élections du 7 novembre de 2019.
C'est ainsi qu'il va rendre la monnaie à Ivan Collendavelloo. Les deux, qui ont dominé les résultats lors des consultations de 2010, reviennent en force. Paul Bérenger se fait élire avec 14 368 voix, soit avec une avance de 5 409 par rapport à la performance d'Ivan Collendavelloo qui va recueillir 8 959 votes. Il traîne dans son sillage, son colistier Deven Nagalingum. Fazila Jeewa-Daureeawoo arrive en quatrième position. Qu'à cela ne tienne, Ivan Collendavelloo reste un os dur à écraser car il est parvenu à empêcher le MMM à faire élire Jenny Adebiro.
La question qui s'impose coule de source : Ivan Collendavelloo est-il en mesure de continuer à donner du souci au MMM dans un bastion de Paul Bérenger ? Il y a des signes qui ne trompent pas. L'un d'eux est la démission de Ken Fong du ML. Il symbolise la force tranquille de ce parti politique et en tant que maire des villes-soeurs, il a tout fait pour qu'elles portent l'empreinte du challenger du MMM.
Il a pris la parole lors d'une réunion de l'Alliance du changement lundi. Pour Deven Nagalingum, cela annonce d'autres démissions de cadres du ML. Comment cela se passe-t-il sur le terrain ? Le ML a certes marqué des points dans la circonscription, avec notamment l'inauguration d'une Mediclinic à Stanley ou encore celle d'un magnifique projets d'appartements à Camp-Levieux, où le souci de tenir compte de tout ce qui touche aux obligations d'un mode de développement durable a été pris en compte. Par exemple, l'installation de panneaux solaires sur les toits des blocs d'appartement en vue de la production d'énergie électrique sans passer par la combustion de ressources fossiles.
Les reproches
Elle est longue la liste des reproches faits au gouvernement selon un groupe de jeunes de Plaisance et un groupe de personnes âgées de Stanley. Cette liste comprend entre autres: sa réticence alléguée à venir à la rencontre de l'électorat en dehors de la période électorale ; la précipitation à inaugurer des projets à l'approche des élections en s'exposant à la critique que tout se fait rien que pour revenir au pouvoir ; la sourde oreille aux petits problèmes qui touchent le quotidien de l'électorat, comme le manque d'éclairage sur un terrain de jeux à Plaisance ; le débordement des rues en temps de pluie, et l'abus allégué par rapport à la police dans le cadre de l'autorité qui leur a été confiée dans l'exercice de leur fonction. Réflexion d'une des personnes âgées assises en bordure de route entre Stanley et Trèfles : «Selma kan nou a letranzer ki nou morisien. Kan nou isi, nous divize.»
Par ailleurs, dans la circonscription n° 19, les habitants expriment un profond mécontentement face à une série de problèmes non résolus. Parmi les principaux, la question de la drogue reste préoccupante, avec des toxicomanes et des voleurs qui, selon eux, perturbent la tranquillité du quartier. «On ne peut pas passer dans certaines rues sans être témoin de scènes inquiétantes», confie un résident. Les caméras Safe City, censées renforcer la sécurité, sont elles aussi critiquées. Plusieurs habitants affirment qu'elles ne fonctionnent pas dans certaines zones.
«Inn instale zis pou fer zoli zoli», ironisent-ils. Autre sujet de frustration : les drains bouchés, une situation qui perdure depuis des années. «À chaque grosse pluie, tout déborde», déplorent les habitants, qui accusent les autorités locales de n'agir qu'à l'approche des élections. «Ils lancent des travaux de dernière minute juste pour donner l'impression qu'ils agissent, mais aucune étude sérieuse n'a été faite», ajoute un autre, sceptique quant à la durabilité des solutions proposées.
L'absence d'éclairage public efficace est également un point noir. De nombreux lampadaires sont hors service et les routes, parsemées de nids-de-poule, posent des risques pour les automobilistes. Les habitants dénoncent également le manque d'infrastructures de loisirs, autant pour les jeunes que pour les personnes âgées, et l'absence d'efforts d'embellissement, notamment en matière de végétalisation. Le marché de Rose-Hill, en particulier, est au coeur des plaintes. Les commerçants et les clients se disent déçus par les promesses de rénovation non tenues.
«Le marché est dans un état déplorable. C'est sale, les odeurs sont insupportables et les rats y prolifèrent», raconte un habitant, soulignant l'inaction des autorités malgré des années de réclamations. Face à ces problèmes persistants, les résidents de la circonscription n° 19 se disent fatigués des promesses et attendent des actions concrètes pour améliorer leur quotidien.
Candidats de l'Alliance du Changement : Paul Bérenger (MMM), Deven Nagalingum (MMM) et Sydney Pierre (PTr)
Candidats de l'Alliance Lepep : Ivan Collendavelloo (ML), Fazila Jeewa-Daureeawoo (MSM) et Seety Naidoo (ML)
Nombre d'électeurs : 41 956
Les électeurs par genre : Hommes - 20 203, Femmes - 21 753
Nombre de centres de votes : 13
Répartition des centres de votes
· Ramnures Chowbay Nuckchady Government School : 5 876
· Centre Pour Éducation Spécialisée (Colibri) : 1 876
· Stanley Campus, Université Des Mascareignes (Ex-Murday Government School) : 4 661
· Stanley Government School : 5 109
· Notre Dame Des Victoires Roman Catholic Aided School : 2 433
· Ébène State Secondary School (Girls) : 481
· Saint Enfant Jésus Roman Catholic Aided School : 2 049
· Henry Buswell Government School : 2 666
· Rose-Hill Central Government School : 2 583
· André Bazerque Government School : 4 855
· Aimé Césaire Government School : 4 260
· Roches-Brunes Government School : 3 670
· Remy Ollier «B» Government School : 1437