Congo-Brazzaville: Le bateau a pris le large

tribune

Oui, « Masuwa énani », le bateau a quitté le port pour un voyage sans retour, remontant le fleuve avec à son bord un de ses passagers les plus inspirés nommé Michel Boyibanda. Le 9 octobre dernier, à Brazzaville, ses 86 ans sonnés, le chanteur, auteur-compositeur vieux Bobo a rangé pour de bon toutes les scènes de la vie sur terre pour rejoindre les siens là-bas, loin !

Natif de Mokouango, à Pikounda, dans la Sangha, Michel Boyibanda nous aura servi plus que de la musique. Quand bien même elle fut sa première et sa dernière passion, cet homme avait aussi de l'estime pour la relation humaine. Sans doute parce que parti de sa brousse « sanghaènne » pour Brazzaville, la remuante capitale de son pays, il était tombé entre de bonnes mains.

Michel Boyibanda racontait avec force détails sa rencontre « fondatrice » en 1958, à Dolisie dans le Niari, avec Franklin Boukaka, compagnon avec qui il créera l'orchestre Negro Band à Kinshasa la même année. Il se souvenait également de l'accueil chaleureux dont il fut l'objet de la part de ses aînés Célestin Nkouka, Edo Ganga, De Lalune et Jean-Serge Essous. Ces derniers avaient parrainé son entrée dans les Bantous de la Capitale en 1963 quand il quitta Négro Band, puis plus tard dans l'Ok Jazz.

Il récolta un premier succès grâce à sa chanson Masuwa énani. Écoutez « Bolingo na Kozonga » et les voix étincelantes de Boyibanda, Lambert Kabako, Tino Minkwa pour mesurer à quel point son apport fut remarquable dans cet orchestre mythique, porte-étendard de la rumba des deux Congo. Il est resté reconnaissant à l'égard de Luambo Makiadi, Kwami et Mujos qui l'ont admis dans l'OK Jazz quand l'un des hommes influents du groupe, Vicky Longomba, doutait de ses qualités de chanteur.

Un jour de l'an 2017, le 26 janvier pour être précis, nous eûmes le bonheur, Valentin Oko et moi, de le prendre en interview aux Dépêches de Brazzaville (1). Il nous parla longuement de ses parents, Gabriel Boyibanda et Simone Ewé-Ekoué, de sa famille, de ses brillantes études au village, regrettant au passage d'avoir, par amour pour son art, décliné l'offre d'une bourse d'études d'ingénieur agronome à Marseille, en France, alors qu'il avait été retenu avec quelques autres brillants éléments.

Tous les deux fans de son oeuvre, nous étions fascinés par la flamboyante épopée de l'orchestre Les Trois frères qu'il fonda à Brazzaville, en 1978, en compagnie de Loko Massengo et Youlou Mabiala, tous trois rentrés de Kinshasa. Les Trois frères, ce fut seulement huit mois en termes de durée de vie, mais huit mois d'une production musicale exceptionnelle.

Dans cet ensemble, qui s'appellera plus tard Rumbayas, ses chansons « Diallo », « Nana », « Selenga » sont tout simplement inoubliables. Mais Michel Boyibanda a continué à chanter et toujours chanter. Comme il s'exprimait avec éloquence ! Comme il chantait bien ! « Ata Na yebi », « Nzété esolola na moto te », « Nzela ya Mbinzo », autant de signatures qui marquent sa longue carrière.

Michel Boyibanda, de ton époque et de ta trempe il reste peu de monde. Va ton chemin en paix car ton oeuvre monumentale restera !

1.- Texte en ligne sur www.adiac-congo.com, « Carrière musicale : Michel Boyibanda, de A à Z ».

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