Dans le cadre de la campagne électorale, «l'express» fait la tournée des circonscriptions, afin de tâter le pouls des électeurs, appelés aux urnes le 10 novembre. En ce dimanche, nous faisons escale aux nos 20 et 21.
Quel est l'adversaire que Rajesh Bhagwan, député mauve, cible de manière virulente ? Celui «ki pe fer inpe tapaz», le leader du Reform Party, Roshi Bhadain. En réponse aux attaques de l'élu du Mouvement militant mauricien (MMM), c'est par vidéo interposée que Roshi Bhadain lui a répondu, en donnant également la parole à sa fille Rishna, avocate en pupillage. Pendant ce temps, les deux autres élus mauves de la circonscription, Franco Quirin et Karen Foo Kune-Bacha, ont fait du porte à-porte pendant les deux premières semaines de la campagne électorale. Le premier est en quête d'un quatrième mandat alors que la seconde travaille pour sa réélection.
Mais le recordman reste Rajesh Bhagwan, élu sans interruption au no 20 (Beau-Bassin-Petite-Rivière) depuis 41 ans. Lor koltar pour décrocher un dixième mandat, il a à son actif neuf victoires consécutives. Surnommé le «bulldozer», le pur-sang mauve a été élu au no 20 pour la première fois aux élections du 21 août 1983. Il a été réélu en 1987, 1991, 1995, 2000, 2005, 2010, 2014 et 2019. Capitalisera-t-il sur des votes de sympathie ? Ce «dinosaure» de la politique locale saura-t-il s'attirer les faveurs des jeunes électeurs ? Le no 20 restera-t-il le bastion des bastions mauves ? La citadelle imprenable où trois MMM se sont fait élire.
En face, l'Alliance Lepep aura connu un début de campagne relativement lent, parce que les investitures n'étaient pas encore confirmées. Le lancement officiel de la campagne - conjointement avec la circonscription no 1 (Port-Louis Ouest-Grande-Rivière-Nord-Ouest) - a eu lieu à La Tour Koenig le mercredi 16 octobre. Guito Lepoigneur du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) fait son comeback au no 20. On se souviendra qu'après sa défaite en 2019 dans cette circonscription, il n'avait pas caché son amertume sur les réseaux sociaux. Il avait alors remercié les habitants pour leur «ingratitude», ajoutant qu'«à partir de ce soir, biro ferme e mo pe sanz mo nimero telefonn, zot ena trwa depite MMM pou ed zot aster».
Cinq ans plus tard, dans les ruelles de Cité Tôle à Barkly où nous l'avons suivi en porte-à-porte, tout est oublié. Guito Lepoigneur répète que cela fait 10 ans qu'il travaille dans la circonscription. À ses côtés, son campaign manager Vinesh Moheeputh, un ancien du Reform Party passé au PMSD. C'était comme un signe avantcoureur de l'investiture accordée par les Bleus à l'ex-secrétaire général du Reform Party, Miven Tirvengadum au no 20. Miven Tirvengadum avait démissionné de ce parti en décembre 2023 et son adhésion au PMSD officialisée début janvier 2024.
Aux deux candidats du PMSD, le Mouvement socialiste militant (MSM) a ajouté un nouveau venu au surnom évocateur : «Tiger». Il s'agit de Maheshwarsingh Chackhoor, 54 ans. Son surnom de «Tiger» lui vient de son oncle qui le lui a donné, parce qu'il était un enfant débordant d'énergie. Après 34 ans de carrière, qui a culminé au poste de Senior Technician à la Mauritius Ports Authority (MPA), il a pris sa retraite en début d'année. Pour se porter candidat aux élections générales du 10 novembre, Maheshwarsingh Chackhoor a démissionné en tant que président du Rotary Club de Beau-Bassin. Il a également quitté le poste de président du Rameshwarnath Ramayan Mandir, temple situé à la rue Dr. Reid à Beau-Bassin, dont il était le président depuis 14 ans. Ses prières seront-elles entendues ?
Croisé sur place
Son nom avait un temps été cité pour un ticket de la majorité. Nous avons croisé Vincent Seetaram (à dr.), l'attaché de presse du ministre sortant Alan Ganoo. Il nous a dit qu'il supervisait des travaux parce qu'un ralentisseur sera installé sur la route menant à Pointe-aux-Sables. Il a ajouté que, même sans ticket, le travail continue.
La parole aux citoyens
Les préoccupations au no 20 sont assez hétérogènes. Entre amélioration des infrastructures, chômage des jeunes, ravages de la drogue, fourniture d'eau erratique et cherté de la vie, une tournée de la circonscription donne la parole aux citoyens. D'emblée, il faut souligner que parler de politique n'est pas forcément au goût de tous, quand bien même cela concerne le quotidien de ceux sondés. «Ayo, rod enn lot dimounn». «Ki ou le mo dir ou? »
Mais une fois le premier contact établi, les langues se délient peu à peu, à l'image de Mahesh, 64 ans, rencontré sous une pluie fine avec son petit-fils à la plage publique d'Albion.
(Mahesh, 64 ans.)
Pour ce retraité qui réside à Beau-Bassin, la circonscription no 20 a rarement fait l'objet de l'attention du gouvernement. «Beau-Bassin la pa pran kont sa. Ena zis depite lopozision isi.» Outre l'amélioration des infrastructures, il souhaite que le prochain gouvernement se penche sur la cherté de la vie. «Eleksion pou sere mo panse. Zame finn ena enn gouvernman kinn fer trwa manda konsekitif. Pa kone ki pou arrive. Bizin atann le 11 novam mem pou kone.»
(Sylvio, 63 ans.)
Le manque d'infrastructures adéquates demeure un sujet qui exaspère Sylvio, 63 ans, de Petite-Rivière. Il est particulièrement remonté contre le gouvernement, mais aussi contre surtout les députés de la circonscription. "An katran, dir mwa ki zot finn fer isi? Aster ki zot pou fer kanpagn? Pena devlopman. Travay la pa marse. Depi dernier inondasion, nou ti demann fer bann drain. Finn ariv oktob, nou ankor pe atann mem. Bann depite pa pe kapav fer nanye. Ankor komie tan nou pou kontinie avek lopozision dan no 20?»
(Karen, 31 ans)
Pour Karen, 31 ans, aidecuisinière dans un fast-food, il faut un nouveau souffle à la tête du pays. "Inn ariv ler pou enn sanzman. En tant que jeune, je déplore l'absence de développement dans la circonscription. Dakor finn ena metro me pa tou dimoun ki servi sa." Fataliste - "tou seki vini parey" - notre interlocutrice souhaite que le prochain gouvernement s'intéresse plus à la situation des jeunes. "La vie est dure pour tous. Ma petite soeur vient de terminer ses études universitaires. Son diplôme et elle sont assis tous les jours à la maison ! Il n'y a pas de travail dans son domaine. Personnellement, je dois faire deux boulots pour m'en sortir. Je n'ai jamais voté, mais cette fois-ci je vais le faire. Il faut qu'on fasse entendre notre voix."
(Jayen, 64 ans.)
Jayen, 64 ans, commerçant à Mont-Roches, milite également pour l'amélioration des infrastructures. «Pena devlopman. Nou finn bizin lager pour ki aranz sime ek drin dan nou landrwa. Bann abitan pe bizin debrouye par zot mem.» Il se demande s'il faut s'attendre à autre chose quand on habite une circonscription résolument tournée vers l'opposition ? «Touletan zot finn negliz no 20,» se désole son épouse. Malgré tous les fléaux sociaux tels que la drogue, Jayen estime qu'il ne faut pas attendre que le gouvernement seul change les choses, mais que chacun fasse preuve de responsabilité citoyenne pour assainir la situation dans les quartiers. Selon lui, le gouvernement actuel n'a pas un si mauvais bilan si l'on tient compte des difficultés rencontrées avec la pandémie du Covid-19 ? «Je pense qu'un gros effort devrait être fait au niveau du prix des carburants. Une baisse ne pourra que soulager la population, qui peine à joindre les deux bouts."
Du côté de Coromandel, c'est surtout la problématique de l'eau qui exaspère. La fourniture d'eau 24/7 relève de l'utopie pour cette ménagère rencontrée à la sortie d'un supermarché. Elle a souhaité garder l'anonymat. «Qu'on nous donne enfin ce qu'on nous a promis depuis des lustres. Ici, il n'y a pas une seule goutte d'eau qui coule dans la journée. Quand la fourniture est rétablie, elle ne dure que quelques heures. Je me suis retrouvée dans l'obligation d'investir dans des réservoirs d'eau pour ne pas me retrouver au dépourvu. J'en ai quatre à la maison !»
(George, 69 ans.)
Enfin, pour George, 69 ans, les infrastructures laissent à désirer. «Nous faisons doléance sur doléance, mais cela prend un temps fou pour effectuer les réparations des routes notamment». Il signale que «la piscine ouverte au public n'est pas accessible en raison d'équipements défectueux». Le manque de loisirs doit aussi être relevé. En ce qui concerne le prochain gouvernement, George dit attendre la révision des salaires des députés et ministres. «L'exemple doit venir d'en haut. La corruption, qui s'est faite pratiquement au grand jour pendant la pandémie, doit aussi être éliminée à travers un durcissement des lois.»