L'opposition syndicale tente de faire entendre sa voix devant le siège même de l'organisation ouvrière à la Place Mohamed Ali-Hammi. Elle réclame le départ du bureau actuel et la mise en place d'une commission temporaire qui sera appelée à restructurer l'organisation en toute indépendance et préparer la tenue du prochain congrès de l'Ugtt. En revanche, le secrétaire général de la centrale syndicale a insisté, avant la tenue du conseil national à Monastir en septembre dernier, sur l'unité syndicale qui reste le seul garant de la protection et de la préservation des acquis syndicaux historiques. Il a affirmé que «certaines parties cherchent à nuire à la centrale syndicale».
Taieb Bouaicha, ancien secrétaire général de la Fédération de l'enseignement secondaire et l'une des figures de l'opposition syndicale, ne cesse de multiplier les rencontres et les mouvements de protestation pour faire entendre un autre son de cloche qui traduit la grande colère qui couve au sein de la base syndicale suite à l'amendement de l'article 20 du règlement intérieur. L'impact négatif de cet amendement se fait toujours ressentir et menace de faire tomber l'équipe actuelle en dépit d'un semblant d'assurance et de sérénité affiché par le secrétaire général et son équipe issue du congrès électif tenu à Sfax en 2022. Selon lui, ce sont les dirigeants actuels qui assument toute responsabilité dans cette crise.
Non à la tenue d'un congrès extraordinaire
Lors d'un meeting organisé le 8 octobre devant le siège de l'Ugtt à la Place Mohamed Ali-Hammi, et en présence d'une trentaine d'opposants syndicaux, Taieb Bouaicha est revenu sur les raisons de cette crise et la situation critique qui règne au sein de l'organisation syndicale. Il évoque à ce titre l'absence de communication entre l'équipe dirigeante actuelle et l'opposition syndicale et pointe la bureaucratie qui a été à l'origine de la rupture de tout dialogue avec la base. «Aujourd'hui, les locaux des représentations syndicales dans les régions sont de plus en plus désertés, alors qu'ils constituaient autrefois un lieu de convergence pour les syndicalistes, les ouvriers et les représentants de la société civile. L'opposition au sein de l'Ugtt progresse et s'amplifie et c'est la classe ouvrière qui en paie le prix», explique-t-il.
Aujourd'hui, l'Ugtt passe par une crise qu'il a qualifiée d'interne, spéciale et existentielle, vu le contexte géopolitique actuel marqué par l'embrasement du Moyen-Orient et la guerre en Ukraine. Selon lui, cette crise traduit la lutte entre l'équipe dirigeante actuelle dont l'action est inhibée par la bureaucratie et la montée d'un nouveau courant démocratique. L'absence de communication avec l'opposition syndicale et la bureaucratie ont conduit à l'amendement de l'article 20 précité et a engendré cette crise.
L'actuelle équipe dirigeante s'est lancée dans une course contre la montre pour la tenue d'un congrès extraordinaire, ce que refuse l'opposition syndicale puisqu'il n'est pas en mesure de résoudre la crise. Pire, il va conduire à la réélection de la même ancienne équipe, fait-il entendre lors du meeting.
Selon Bouaicha, il est impératif de provoquer le changement au sein de la centrale syndicale et de rétablir la confiance de la partie ouvrière à l'égard de la direction syndicale, soit par la création d'un nouveau comité directeur, soit à partir des structures de l'Ugtt. A ce titre, il rappelle la défiance de la classe ouvrière vis-à-vis des représentations syndicales, soulignant la nécessité de revoir les modalités relatives à l'adhésion syndicale. Les membres des structures syndicales ne devraient pas bénéficier de privilèges. En revanche, leur élection devrait se baser sur leur degré de militantisme et non en raison de leurs relations privilégiées avec les membres du bureau exécutif.
Du côté de l'Ugtt et de Taboubi
Toutefois, la question que se posent les observateurs se rapporte en particulier au poids de l'opposition syndicale et sa capacité à faire émerger une force d'équilibre au sein de l'Ugtt. A ce propos, Taieb Bouaicha déclare à La Presse que ce courant, même s'il ne constitue pas pour l'instant un réel contre-pouvoir, doit s'opposer à l'organisation d'un congrès extraordinaire qui aboutira à la réélection des mêmes membres. Et d'ajouter que cette opposition doit s'unir pour le bien de l'organisation syndicale, d'autant que la grogne s'est généralisée et les solutions proposées ne sont pas de nature à résoudre la crise.
Il nous explique dans ce même contexte que le mea-culpa de Taboubi donne raison à ceux qui se sont opposés à l'amendement de l'article 20. Mais, tout bien considéré, la reconnaissance de l'erreur ne suffit pas, car il faut avancer des propositions pour dépasser la crise. Le monde observe des mutations profondes et l'Ugtt s'est toujours cantonnée dans un ancien rôle qui a besoin aujourd'hui d'un nouveau souffle et d'une restructuration susceptible de réformer les mécanismes de gouvernance actuelle qui ont approfondi la crise au sein de l'organisation ouvrière.
Concernant le prochain congrès qui est prévu pour 2027, Taieb Bouaicha nous confie qu'il existe actuellement des différends entre deux tendances au sein de l'équipe dirigeante (au niveau du bureau exécutif et de la commission administrative). La première s'attache à son organisation dans les délais et la seconde appelle à la tenue d'un congrès extraordinaire, ce qui donne une idée de la profonde crise que traverse l'Ugtt.
De son côté, le secrétaire général de l'Ugtt, Noureddine Taboubi, a tenu, avant l'organisation en septembre dernier du Conseil national à Monastir, placé sous le thème «Loyauté, indépendance, unité et militantisme», à clarifier les choses et à répondre indirectement à ces accusations. Il a expliqué à ce titre que certaines parties s'emploient à faire taire la voix de l'Ugtt et à entraver son rôle national et à nuire à sa réputation. Il a précisé par la même occasion que «la centrale syndicale reste impassible, unie et forte».
Taboubi a souligné aussi que «les attentes sont très grandes afin que la centrale syndicale joue son rôle historique et national dans la défense des citoyens et des travailleurs, ainsi que dans la consolidation de leurs acquis au service de la sauvegarde de notre pays et son invulnérabilité».