Sénégal: Concession du Port de Ndayane - Nébuleuse autour des 60 milliards FCFA de l'appel public lancé en 2020

DP World et le Port autonome de Dakar (PAD) ont procédé, il y a quelques jours, à la présentation du démarrage des travaux du futur port en eaux profondes de Ndayane.

Deux ans après la pose de la première pierre, en 2022, le projet commence, enfin, à sortir de terre. Confidentiel Afrique revient sur les zones d'ombre d'un emprunt de 60 milliards FCFA (appel public à l'épargne) souscrit avec succès en 2020 et devant expirer en 2027, mais dont la traçabilité dans les caisses du Trésor, demeure opaque. Lumière sur une nébuleuse qui n'a pas encore livré tous ses secrets.

A l'origine, deux acteurs clés, l'ancien DG du PAD, Aboubacar Sedikh BÈYE, le ministre Cheikh KANTÉ, bien introduit au palais présidentiel sous l'ère de l'ancien Président Macky SALL, dont la proximité d'avec le constructeur émirati DPWorld ne faisait l'ombre d'aucun doute étaient maîtres à bord pour la concrétisation de l'ambitieux méga projet portuaire estimé à 850 milliards de FCFA.

Beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts pour finaliser le montage financier jugé complexe et coûteux. Mais, dans les eaux profondes du futur port de Ndayane, le dossier de l'opération d'emprunt obligataire à Appel public à l'épargne d'un montant de 60 milliards FCFA (100 millions d'euros) refait surface et agace. Quatre ans derrière, l'opération médiatisée en grandes pompes cachait un faisceau d'éléments qui restent à élucider. En son temps, Confidentiel Afrique avait révélé les dessous insoupçonnés de l'attribution de la concession du port de Ndayane.

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Sous l'épais brouillard de l'emprunt obligataire de 60 milliards de FCFA réalisé par le cabinet INVICTUS CAPITAL & FINANCE, à coups d'éclats. Après plusieurs mois d'investigation, à la faveur de l'arrivée des nouvelles autorités au pouvoir depuis mars 2024, les bulles hydriques de Ndayane sentent mauvaises. Des informations crédibles exclusives obtenues par Confidentiel Afrique font état d'une fouille sur la traçabilité des ressources financières issues de cet emprunt obligataire de 60 milliards via un appel public à l'épargne, tel que défini par l'instruction n°36/2009, et autorisé par la décision 179/CFEPMF/2020.

La dénomination officielle de cette émission est «PAD 6,60% 2020- 2027». En effet, cet emprunt obligataire de 60 milliards, souscrit avec succès, visait à financer le développement du Port de Ndayane, plus précisément les travaux des Infrastructures Maritimes Communes, et de la Zone Industrielle Portuaire. Un investissement qui rentrait dans le cadre de la phase 1 (2019-2023) des projets structurants devant amener le Port Autonome de Dakar à atteindre son objectif de devenir un hub logistique incontournable de la sous-région à l'horizon 2035.

Confidentiel Afrique a pu démêler l'écheveau d'une des concessions portuaires les plus sulfureuses et atypiques. Selon des sources bien informées, les choses n'ont guère été faciles telles présentées jusqu'ici. Ni pour l'ancien Président Macky SALL (au pouvoir de 2012 au 02 avril 2024), ni pour l'émirati DP World. La bataille avait fait rage.

Quand le choix de l'État sénégalais s'est porté sur le groupe émirati DP World, implanté depuis 2007 sur le port de Dakar, pour la réalisation et l'exploitation d'un nouveau port en eaux profondes, à Ndayane, à une cinquantaine de km au sud de la capitale sénégalaise, Confidentiel Afrique avait défloré les secrets de coulisses du palais Roume autour de la concession de cette géante infrastructure portuaire.

Notamment l'immixtion de l'ancien Directeur général du Port, Cheikh Kanté, alors ministre et conseiller du Président Macky Sall, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Sa proximité avec la multinationale émirati DP World lui avait permis d'effectuer des allers-retours entre Dakar et Dubaï - et au finish, ses manoeuvres souterraines ont payé avec le quitus délivré par Macky SALL à DP World de rafler la concession.

Bien entendu, cette influence du Sherpa Cheikh Kanté auprès des dirigeants de DP World n'étaient pas du goût des autorités du Port autonome de Dakar. Une main-mise de l'ex-patron du PAD, dans la concession du port de Ndayane peu appréciée par le DG d'alors Aboubacar Sedikh BÈYE qui n'avait ménagé aucun effort pour corriger cet impair. En vain. Cheikh Kanté avait-il reçu des instructions en haut lieu pour agir ? Toujours est-il que DP World a eu gain de cause.

Un emprunt obligataire qui refait surface

Les nouvelles autorités portuaires qui ont hérité de ce dossier ont du pain sur la planche. L'emprunt obligataire émis et souscrit en 2020 doit expirer en 2027. Chose curieuse, cette manne financière n'était pas prévue dans le programme d'investissement de DP World, le constructeur exclusif du port, glisse une source autorisée. Il était convenu, dans les dispositions contractuelles, que la période de souscription de l'emprunt devait être d'un mois (du premier au 30 octobre 2020). Une période qui pourra être prolongée, dépassée ou raccourcie en cas de besoin par l'émetteur. Ainsi, les revenus liés aux obligations du Pad sont exonérés d'impôts sur le revenu pour les souscripteurs résidents au Sénégal.

Les investisseurs non résidentiels au Sénégal seront, pour leur part, soumis à la législation fiscale sur le revenu des valeurs mobilières en vigueur dans leur pays de résidence au moment du paiement des intérêts. Le montant de l'émission est de 60 milliards de francs CFA et la valeur nominale 10 mille francs CFA, alors que le nombre de titres émis est de 6 millions d'obligations. Le taux d'intérêt est de 6,60% l'an et la durée de l'emprunt couvre une période de 7 ans dont deux ans de différé en capital.

Dans une enquête retentissante, bien fouillée et réalisée par notre confrère Charles FAYE parue en ligne sur le site Maderpost le 24 août dernier et reprise par Confidentiel Afrique et intutilée : L'après Bolloré au port de Dakar, quel enjeu ? Maderpost renseigne que les nouvelles autorités tiennent l'occasion rêvée de faire du Port de Dakar un géant enfin avec autour des rails, industries, etc. Elles n'ont pas le droit de se tromper. L'après Bolloré est à ce prix. Avec autant d'investissements consentis au port de Dakar, le Sénégal est loin de devancer ses concurrents portuaires historiques.

Macky SALL et son argentier d'alors Abdoulaye Daouda DIALLO avaient brûlé l'audit du cabinet MAZARS

Le rapport du cabinet Mazars, consulté par Confidentiel Afrique, conduit par l'équipe de l'expert Tahirou Mbaye, est édifiant. Selon nos informations, la valorisation de la concession du Port de Ndayane était bel et bien en dessous de la note de DPW. Alors que celle-ci avait fixé le bouquet de la valorisation de Ndayane à quelques 875 milliards de FCFA, l'expertise de Mazars, se situait entre la fourchette de 450 et 550 milliards FCFA.

Une sur-valorisation évidente au-delà du seuil du tolérable, selon une source. Ce qui avait amené Confidentiel Afrique à se demander pourquoi donc l'État avait-il décidé de brûler le rapport Mazars au profit de DP World. Pour les deux premières phases de l'opération, l'exploitant portuaire émirati Dubaï Port World avait planifié un investissement portant sur 850 milliards de FCFA.

Dans ce dossier nébuleux, l'ancien Chef de l'État Macky Sall s'était rangé du côté de son conseiller Cheikh Kanté. Le Président SALL aurait obligé Aboubacar Sedikh Bèye, alors Directeur général du PAD, à revoir sa position inflexible, pour que DP World décroche la timbale et mette le port de Ndayane dans son escarcelle.

Une réunion convoquée au palais sur demande du Chef de l'État avait permis d'examiner le plan d'investissement de DPW sur la plateforme portuaire de Ndayane. Y avaient pris part toutes les parties prenantes, notamment les ministres impliqués, à l'époque, dans la gestion portuaire (Alioune Ndoye, Abdoulaye Daouda Diallo, celui des Infrastructures Mansour Faye ) et les 3 DG ( PAD, DPW, Mazars). Macky Sall avait opté pour une solution médiane, en se situant un peu en dessus de la note du cabinet MAZARS.

Selon des sources autorisées, cette opération d'emprunt soulève de gros soupçons. Le DG du Port de l'époque était Ababacar Sedikh Bèye et la SGI arrangeur le cabinet INVICTUS CAPITAL. Entre 2020 et mars 2024, ce dossier sera géré par trois différents ministres des Finances, en l'occurrence Abdoulaye Daouda Diallo et Mamadou Moustapha Ba (de septembre 2022 à mars 2024).

L'actuel occupant du poste, le ministre Cheikh Diba, hérite donc de ce dossier à rebondissements. On évoque, en effet, dans les couloirs du ministère des Finances que la traçabilité des 6 milliards (soit 10% du montant de l'appel épargne publique) reste une grande inconnue.

Que sest- il passé? Pourquoi cet emprunt obligataire de 60 millards de FCFA avait-il émis, sachant le constructeur DPW en est le principal et exclusif bailleur financier du méga projet portuaire de Ndayane ? Que pouvait bien cacher cet appel public à l'épargne ? Les nouvelles autorités héritent donc d'un dossier qui soulève encore des vagues. Il faudra s'attendre, sans doute, à d'autres développements dans les semaines ou mois à venir.

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