La feuille de route a été finalisée et soumise à un Conseil interministériel pour validation. D'autres pays de la région ont déjà adopté des stratégies similaires.
Une nouvelle stratégie nationale sur le financement du risque de catastrophe est actuellement en cours d'élaboration. C'est ce qu'a déclaré Monia Ben Saïd, directrice au sein de «Tunis Re», lors de son intervention à la 7e université d'été organisée récemment, par l'Atcf. Elle a précisé que cette stratégie a été initiée suite à la survenue d'un événement déclencheur, en l'occurrence les inondations survenues à Nabeul en 2018, qui ont mis à nu le grand déficit de couverture des catastrophes naturelles en Tunisie.
Adopter une approche proactive
En effet, cet événement climatique majeur a engendré des pertes économiques estimées à plus de 299 millions de dinars. Les secteurs les plus touchés étaient le transport, le logement et l'agriculture. Plus de 2.400 emplois ont été perdus, provoquant une perte de revenus de 3,3 millions de dinars. Plus de 300 logements ont été détruits et 2.500 partiellement touchés. Malgré ces dégâts considérables, les pertes assurées se sont limitées à 20 millions de dinars seulement représentant un déficit de protection de 93%. «
On peut voir ici le degré de vulnérabilité du pays en termes d'assurance. Les inondations de Nabeul ont révélé des lacunes critiques dans le financement des catastrophes en Tunisie, qui avait une approche ad hoc pour y faire face. Le gouvernement agit souvent en tant qu'assureur de dernier recours. Les instruments de financement se limitent à des produits assurantiels, avec un faible taux de pénétration de 2,4%, et à des instruments budgétaires limités», a-t-elle indiqué.
Elle a ajouté que le déblocage exceptionnel du Fonds de garantie des assurés lors des inondations de Nabeul a été l'élément déclencheur d'une réflexion stratégique sur la nécessité d'adopter une approche proactive de financement et de réponse aux catastrophes. Il s'agit de mettre en place une stratégie financière permettant d'apporter une réponse fiable, rentable et efficace. Grâce à un préprogramme financé par la Banque mondiale et l'AFD à hauteur de 100 millions de dollars, la Tunisie a commencé à adopter une nouvelle approche proactive de réduction des risques ex ante, en renforçant les moyens de prévention face à l'augmentation des catastrophes naturelles, mais aussi en mettant en place un mécanisme de financement des risques de catastrophes pour protéger les populations touchées, à travers la stratégie nationale de financement du risque de catastrophe (Snfc).
Réduire la responsabilité contingente de l'Etat
L'objectif de cette stratégie est de favoriser une planification budgétaire qui tient compte des risques de catastrophe, en incitant l'Etat à provisionner des ressources ex ante sans compromettre la réalisation des objectifs de développement. Cela se ferait à travers des allocations budgétaires. Cette approche permettra de réduire la responsabilité contingente de l'Etat grâce à des outils de transfert de risque, des instruments de stabilisation macroéconomique permettant de protéger les acteurs économiques et stratégiques. Ben Said a affirmé que la feuille de route a été finalisée et soumise à un Conseil interministériel pour validation.
Cette stratégie repose sur deux axes : premièrement, un mécanisme public garantissant l'inclusion des populations les plus pauvres et vulnérables face aux risques climatiques par la création d'un fonds de solidarité publique ou d'une ligne budgétaire. Deuxièmement, le développement du secteur de l'assurance des catastrophes naturelles à travers l'instauration progressive d'une obligation d'assurance. La garantie contre les catastrophes naturelles deviendra obligatoire pour tous les contrats d'assurance dommages. «Ensuite, cette obligation sera à la charge des particuliers.
Tout propriétaire d'un bien immobilier ou d'un véhicule, ainsi que toute entreprise industrielle, commerciale ou touristique, devra s'assurer contre les catastrophes naturelles. Le périmètre de couverture n'inclura toutefois pas les dommages aux personnes, comme l'incapacité temporaire ou les décès», a précisé Ben Said. Elle a conclu en soulignant que de plus en plus de pays de la région travaillent sur des stratégies similaires. D'autres, comme le Kenya, le Malawi et le Maroc, ont déjà finalisé les leurs.