Londres — Depuis maintenant plusieurs années, Youssef Kerkour est devenu un visage familier pour les amateurs du cinéma et de télévision en Grande-Bretagne. Son évolution force le respect, réussissant en si peu de temps à s'assurer une présence dans des productions majeures au Royaume-Uni et ailleurs.
À l'origine de cette carrière florissante se trouve une résilience à toute épreuve et un amour manifeste de l'acteur marocain pour le 7e art.
La passion du natif de Rabat pour le cinéma a débuté dès sa tendre enfance lorsqu'il s'émerveillait devant les performances de grands noms de l'industrie comme Fred Astaire ou encore Bruce Lee, qu'il admirait tant pour ses prouesses athlétiques que pour son charisme à l'écran.
Issu d'une famille d'enseignants passionnés par l'art, il a puisé sa première inspiration dans le lien fort de ses parents avec la culture. Son père, grand cinéphile, a appris le français à travers les films, berçant ainsi Youssef avec des productions cinématographiques de l'Hexagone, tandis que sa mère, anglaise, l'a initié au théâtre en l'emmenant voir des comédies musicales.
Sa vocation s'est affirmée à l'âge de 13 ans, lors d'un voyage à Stratford-upon-Avon (centre de l'Angleterre) où il a assisté à une représentation d'Henry V avec Ian Glen à la Royal Shakespeare Company. Cet événement a scellé son désir de devenir acteur professionnel et l'a poussé à faire un stage d'été à l'académie Webber Douglas d'arts dramatique de Londres.
Cependant, ce n'est qu'après son baccalauréat à Rabat qu'il s'est donné les moyens de suivre cette voie en s'envolant pour le Bard College de New-York. Ses années dédiées à l'art dramatique et la danse au sein de cette institution prestigieuse sont à l'origine des bases solides de son jeu d'acteur, d'autant qu'à l'époque, il se produisait quasi quotidiennement sur scène. Cette avidité des planches lui a permis d'engranger une expérience énorme en si peu de temps, le plaçant bien au-dessus de ses pairs.
En dépit des difficultés financières qu'il a rencontrées outre-Atlantique, sa passion pour l'art l'a conduit à un mode de vie épanoui, où il n'a eu cesse d'étendre son champ d'action artistique, pour inclure, en plus du théâtre postmoderne américain, le cinéma indépendant et l'écriture de scénarios.
Cette expérience formatrice a permis à Youssef de rapidement s'imposer lorsqu'il a décidé de venir s'installer au Royaume-Uni. Après plus de quinze ans à perfectionner son art sur les planches - notamment à la Royal Shakespeare Company et au National Théâtre c'est grâce au petit écran qu'il finira par être propulsé sur le devant de la scène, avec son rôle dans la série "Home".
Son interprétation de Sami, un réfugié syrien, lui a valu une nomination aux prestigieux British Academy Film Awards (BAFTA) et a été saluée pour sa représentation positive des réfugiés, en contraste avec les stéréotypes véhiculés dans les médias.
Cette nomination a marqué une étape décisive pour Youssef, qui est devenu le premier acteur marocain à recevoir une reconnaissance à ce niveau au Royaume-Uni. Par la suite, il a reçu le BAFTA Breakthrough Award, qui lui a ouvert les portes de l'industrie, particulièrement avec les plateformes de streaming comme Netflix, Apple et Disney.
Fier de ses origines marocaines, Youssef n'a jamais hésité à mettre en avant son héritage. Il aspire aujourd'hui à servir de lien entre l'industrie du divertissement marocaine et britannique.
"Au Maroc, nous avons une riche histoire cinématographique et des méthodes de travail très bien établies", a-t-il indiqué dans une déclaration à la MAP, faisant part de sa volonté d'y contribuer par toutes les bonnes pratiques acquises lors de la réalisation de ses projets au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Il a notamment évoqué sa volonté de démocratiser le modèle anglophone de narration, qui permet de raconter les histoires sous un angle nouveau. Ce modèle, plus facilement admis par les plateformes de distribution internationales, les rendrait, selon lui, davantage enclines à s'engager avec des créateurs marocains.
"Ayant un pied dans les deux cultures, j'aspire à utiliser ma position pour aider à établir des passerelles et permettre au contenu marocain d'être diffusé dans les cinémas du Royaume-Uni", a-t-il assuré, expliquant que cela commence par le scenario et la narration de l'histoire. Avec la BAFTA, Youssef a même discuté de la possibilité d'organiser un échange créatif qui serait mutuellement avantageux pour les artistes marocains et britanniques.
À plus long terme, son rêve serait d'ouvrir studio de postproduction au Maroc. La possibilité de retenir une partie des productions internationales qui choisissent de tourner au Royaume, mais externalisent leur postproduction ailleurs, pourrait, d'après Youssef, apporter un élan économique considérable à l'industrie marocaine.
Désormais incontournable des séries Netflix comme "Criminal", "Redemption", "Nightfliyers" et "Stay Close", Youssef brille aussi sur les grands écrans où il a notamment travaillé avec le réalisateur Ridley Scott sur les films "House of Gucci" et "Napoléon".
En octobre, il a fait son apparition dans la série "Disclaimer" du réalisateur oscarisé Alfonso Cuarón, alors qu'il continue de s'investir dans des projets à venir de grande envergure, comme son rôle dans la série "A Knight of the Seven Kingdoms", une nouvelle extension de l'univers Game of Thrones, ainsi que sur le film "Steve" où il partage l'affiche Cillian Murphy.
Avec un talent certain, Youssef souhaite incarner, comme il le souligne, un maillon important dans la promotion de l'image du Maroc et sa culture au sein des plus grandes productions mondiales.