Les rapports commerciaux avec l'étranger de la Grande ile remontent assez loin dans le temps et l'archéologie le démontre largement aujourd'hui, précise Ramisandrazana Rakotoariseheno, directeur de Recherches associée au CNRE, historienne et membre titulaire de l'Académie Malgache dans la question qu'elle pose : « Le Malgache est-il homo-oeconomicus dans son histoire et sa culture ? »
Dans son analyse sur le sujet, elle mentionne que la traite des esclaves, objet de commerce international, est pluriséculaire. Dès les XIIe et XIIIe siècles, les marchands arabes sillonnent l'Imerina, vendant perles de verre, tissus et autres articles. Des pièces de monnaies dinars fatimides sont retrouvées dans les tombes du Nord-Est. L'intrusion des Portugais au XVIe siècle et des autres Européens par la suite, accélère les échanges. « En témoigne le vocabulaire du commerce en usage et fixé dans certains toponymes comme Samboranto, Ambohimanambola, Zafimbazaha... en Imerina. »
Dans les écrits de Rainitovo (« Tantaran' ny Malagasy Manontolo », 1932) que beaucoup d'historiens négligent, remarque l'historienne, car, contrairement à la tradition orale construite autour d'Andriana-mpoinimerina, il y a déjà quelques mentions de marchés ou « tsena », dès l'époque d'Andriamanelo. « Tsena » qui aurait pris modèle sur celui de « Talata » dans le Menabe.
Ce que Jean-Claude Hébert n'a pas connu, quand il affirme que « la dénomination des marchés par les jours de la semaine est, sans contredit, d'inspiration arabe et se retrouve en Arabie du Sud comme dans tous les pays musulmans. Mais s'ils existent à l'intérieur des terres, ils ne se sont pas étendus chez les côtiers qui ont ignoré ces appellations journalières » (« Les marchés des Hautes-Terres malgaches avant Andrianampoinimerina », revue du Département d'Histoire, Université de Madagascar « Omaly sy Anio », 1990).
Or, le magistrat membre associé de l'Académie malgache, lui-même, affirme qu'« il y avait toujours un trafic régulier entre Merina et Sakalava » (« Le mémoire de Parat, 1714, et le problème des Amboalambo mangeurs de choux », Bull. Acad. Malg., 1982). L'académicienne renvoie également à son étude portant sur la « Question sur les Sakalava en merina » (Bull. Acad. Malg. Tome XCIV/1, 2014). À l'époque des relâches des Portugais, dès le XVIe siècle, les Malgaches de l'arrière-pays venaient apporter des vivres en échanges des verroteries et des mousquets.
« Pieter Van den Brocke, en 1614, nous fit part que le trafic d'esclaves était déjà assez intense avec les Arabes, trafic qui se faisait entre Madagascar et l'Arabie via Anjouan, pour les échanger contre des étoffes indiennes, des cotonnades et de l'opium » (J.C. Hébert, 1990). Ce dernier rappelle que les marchands arabes sillonnent Madagascar jusqu'au XIXe siècle. « En 1790, Dumaine rencontra en Ankay, en montant sur Antananarivo, des Arabes de Mascate et des Indiens de Bombay et de Surate. Ils vendaient soieries et corail. »
Ramisandrazana Rakotoariseheno revient à son analyse sur « l'économie domestique à l'intérieur de laquelle nous pourrions mieux cerner les aspects fondamentaux de la culture ».
J. Dez (« Éléments pour une étude sur les prix et les échanges de biens dans l'économie de l'Imerina ancienne »,1970, Bull. Acad. Malg, nouvelle série tomes XLVIII-I-XLVIII-II), recueille toutes les données de l'économie ancienne dans les « Tantara ny Andriana » sur une période de trois cent cinquante ans , allant de 1550 à 1850. Dès le départ de son analyse, il fait valoir que « la circulation des échanges se faisait à l'intérieur de l'univers familial sous forme de prestations réciproques fondées sur le don et dont les montants finissent par devenir des coutumes, figées dans la tradition ».
Ainsi dans le monde rural, le « système d'entraide est fondé sur la solidarité entre les membres du groupe et sur la nécessité de maintenir la cohésion. Le mode de relation interindividuelle correspondant s'exprime dans la notion de 'Fihavanana'. La valeur des prestations est établie par l'usage. Il est impossible de marchander, mais cette valeur est une valeur minimum qui peut être toujours dépassée » (J.C. Hébert). Les aspects don, coutume et tradition, en font une pratique sans date, « faisant partie de l'existence ».