Ô que cette première pluie fût espérée ! Mais, tout aussitôt maudite par ceux dont les maisons sont, plutôt malencontreusement, bâties dans les zones historiquement inondables.
L'éternelle histoire, un marronnier de presse, si la situation n'était pas aussi dramatique. Ce fut une bêtise monumentale d'étendre la colline d'Antananarivo dans sa plaine rizicole du Bestimitatatra. Les «ambany tanàna» de 2024 paient le pari foncier et immobilier des colons de 1898-1900. Pari risqué, et pari perdu, puisqu'Antananarivo a sa géographie globale et une topographie particulière, dont les Anciens ont fait une toponymie (Chronique VANF, 14 novembre 2019 : «Le Betsimitatatra a la toponymie de sa topographie»).
La voie ferroviaire dans la plaine de l'ouest, les quartiers administratifs sur les rives d'Anosy-Ampehifloha, la zone commerciale sur les rizières : AnkorondRANO, AndRANObevava, AndRANOvory, AndRANOmahery, SoaRANO, AndRANOmanalina. Que d'eau, que d'eau, rano, Rano, RANO.
Dans une autre précédente Chronique, «L'eau retrouve son lit dans le Betsimitatatra» (8 janvier 2018), je relayais la (com)plainte d'une habitante d'Ankorondrano, quartier inondé : «la personne demandait aux autorités d'évacuer l'eau de chez elle... Mais, évacuer où ? On pourrait bien parodier La Fontaine, et renvoyer la Mairie et les Ministères à leur légèreté : «Vous remblayiez tout le ririnina ? J'en suis fort aise. Eh bien ! Écopez maintenant !».
Mesdames, Messieurs, Ampefiloha, c'était une digue ancienne, pour canaliser l'eau. Les noms d'Ankadi-toho, Antoho-madinika, ou Andava-mamba supposent une faune aquatique : petits poissons (toho) ou gros crocodiles (mamba). An-herana, Be-horirika, évoquent les plantes aquatiques qui ont donné leur nom à ces carrefours aujourd'hui remblayés et urbanisés. Et que sont donc aNOSIpatrana, aNOSIzato, aNOSIBE, sinon des îlots sur cette mer intérieure entre Ikopa et Mamba ?
Pour renflouer la nappe phréatique, remettre de l'humidité dans cette sécheresse de béton-bitume-alu, il faut qu'il pleuve. Qu'il pleuve absolument. Les remblais, ça ne se boit pas.