C'est la première fois qu'il répond à une interview : après deux années de tractations, Hamadoun Kouffa, chef de la Katiba Macina du Jnim, lié à al-Qaïda, a accepté de répondre aux questions de Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des groupes armés. Après avoir reçu 17 questions de notre confrère, il a répondu à 14 d'entre elles. Pour ne pas relayer la propagande jihadiste, RFI ne diffuse pas l'entretien - France 24 ne l'a pas fait non plus - mais en rapporte ici les principaux enseignements.
Interrogé sur l'implication russe au Sahel, Hamadoun Kouffa dénonce les « crimes odieux commis par Wagner et l'armée malienne », estimant qu'ils ont « accru la colère du peuple » - et donc facilité le recrutement au sein du Jnim, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans -, car ils ont « dépassé les crimes des Français », allusion aux opérations militaires Serval et Barkhane, entre 2013 et 2022. Le chef jihadiste renouvelle ensuite ses assurances aux organisations humanitaires : elles ne sont pas des cibles, tant qu'elles ne sont pas « utilisées » par ses « ennemis ».
Sommé de s'expliquer sur les violences commises contre des civils par ses propres troupes - alors même qu'il accuse l'armée malienne et Wagner d'exactions - dans des zones où le Jnim combat la branche sahélienne de l'Etat islamique, Hamadoun Kouffa tente une justification : ces violences sont légitimes à ses yeux parce qu'elles s'inscrivent dans le cadre de la guerre que livre le Jnim, lié à al-Qaïda, à un groupe jihadiste rival. La branche burkinabè du Jnim - Ansarul Islam - tue des civils à très grande échelle et de façon très fréquente. Interrogé sur ces exactions, Hamadoun Kouffa juge que les hommes menés par Jafar Dicko ont « bien travaillé ».
« Ouvert » à des négociations avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso
Hamadoun Kouffa confirme les tentatives d'expansion du Jnim au Ghana, au Togo et au Bénin, dont il met en garde les dirigeants. Il assure enfin rester « ouvert » à des négociations avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, comme avec tous ceux qui le souhaitent, mais uniquement dans le cadre de la charia. Les questions du journaliste Wassim Nasr restées sans réponses concernent la situation à Gaza, le Hamas, al-Qaïda central et le régime taliban.
A la fin du mois de septembre, les trois pays de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) ont annoncé l'ouverture d'enquêtes contre le journaliste de France 24 qu'ils accusent de « soutien flagrant aux terroristes et aux actions des terroristes » en raison de ses sources au sein des groupes armés et de ses analyses sur la situation sécuritaire au Sahel. Dans un communiqué, France 24 avait dénoncé les « graves accusations dénuées de fondement » portées contre son journaliste « reconnu pour son traitement objectif, factuel et précis des événements » et « qui recoupe ses informations auprès de tous les protagonistes, y compris les régimes en place ».