La session criminelle, qui s'est ouverte le 23 octobre à la Cour d'appel de Brazzaville, a, à son rôle, inscrit 71 affaires composées en majorité d'assassinats et de meurtres dont celui de l'étudiant Van Bauer Ibara et d'Anne Félicité Massamba-Débat, la fille de l'ancien président de la République du Congo.
L'ouverture de la session criminelle a été précédée par la prestation de serment des cinq jurés tirés au sort dans chaque juridiction relevant des tribunaux du ressort de la Cour d'appel de Brazzaville, dont Gamboma et Djambala, dans les Plateaux, Kinkala et Kindamba, dans le Pool. Le tout en présence du ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion des peuples autochtones, Aimé Ange Wilfrid Bininga.
Ouvrant la session qui s'étendra jusqu'en mars 2025, le Premier président de la Cour d'appel de Brazzaville, Jean Ngombo, a déploré le comportement des services pénitentiaires dans un contexte où l'opinion nationale attend des réponses efficaces face à la montée de la criminalité dans les localités du pays. Il s'est félicité des efforts de la force publique qui, en dépit du contexte difficile et complexe, donne la preuve de son engagement. Comptant de la logistique nécessaire mise à leur disposition par le gouvernement, Jean Ngombo a rassuré le Garde des sceaux, ministre de la Justice, des Droits humains et de la Promotion des peuples autochtones qu'ils tiendront le pari jusqu'à l'épuisement des affaires inscrites au rôle.
« Cependant, nous nous permettons de rappeler que l'efficacité de nos efforts sera plus utile si vous n'attirez pas l'attention des services pénitentiaires sur la façon de servir. Il n'est pas surprenant de voir des personnes condamnées, qui par un jeu plus orthodoxe, hors de leurs lieux de détention, narguant les magistrats et la Cour qui a prononcé leur condamnation jadis. Nous, magistrats chargés de veiller à l'exécution de ces peines, nous ne sommes pas exempts de reproches. Il faut recadrer les responsabilités des uns et des autres sur cette chaîne d'intervention de l'action pénale. Il en va de la sécurité de tous », a plaidé le premier président de la Cour d'appel de Brazzaville.
S'adressant aux jurés siégeant aux côtés des magistrats professionnels, Jean Ngombo a rappelé que leur mission est noble mais pleine de contraintes, nécessitant l'attitude, l'assiduité, la probité et surtout l'éveil de leur sens de responsabilité. Pour lui, ils seront appelés, avec les magistrats, à sculpter, à établir la culpabilité et à prononcer des peines correspondantes à certains compatriotes qui se sont écartés du comportement acceptable par tous.
« Nous n'allons pas faire une justice de sentiments, pas de justice de peur, encore moins une justice de vengeance... Ayons donc à l'esprit que tout accusé qui se présente à nous est présumé innocent. Ce n'est qu'après avoir établi sa culpabilité que nous pouvons prononcer la peine correspondante. De la sorte, nous aurons mérité de la confiance et de l'estime de notre peuple », a conseillé le président de la Cour d'appel.
Représentant le barreau de Brazzaville, Me Alphonse Dianguitoulou a tiré l'attention des jurés en ces termes : « Vaut mieux cent coupables en liberté qu'un innocent en prison...Vous allez en remplissant votre office juger les personnes qui seront présentées devant cette barre. Il a toujours été soutenu que juger, c'est punir. Mais, retenons-le, juger, c'est avant tout éduquer ; éduquer la société, éduquer la victime, éduquer encore plus l'auteur des faits malveillants qui ont été posés », a-t-il rappelé.
Et d'ajouter : « Ayez toujours à l'esprit que la recherche de l'auteur d'une infraction ne fait pas d'un accusé un coupable de facto ; le coupable idéal n'existe pas. Nous sommes convaincus que le crime ne doit pas rester impuni, mais la recherche d'un coupable ne doit pas se faire à tout prix : au prix du mensonge, au prix de la tromperie, au prix de l'injustice. Notre société souffre d'injustice immonde, tant du côté des victimes que du côté des accusés.»