Afrique: Discours d'ouverture de S.E. M. Moussa Faki Mahamat Président de la Commission de l'Union Africaine à la cérémonie d'ouverture de la 81ème session ordinaire de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (ACHPR), 17 Octobre 2024

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- Excellence Dr. Mamadou Tangara, Ministre des Affaires Etrangères de la République de Gambie,

- Honorable Commissaire Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples;

- Honorable Juge Imani Aboud, Présidente de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ;

- Excellence, Fortune Charumbira, Président du Parlement panafricain,

- M. Aver Gaver, Vice-Président du Comité Africain d'Experts sur les Droits et le Bien-être de l'Enfant,

- M. Marcel Akpovo, Représentant régional du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme en Afrique de l'Est et auprès de l'Union africaine, représentant S.E. M. Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme,

- S.E. Olof Skoog, Représentant spécial de l'Union européenne pour les Droits de l'homme,

- Honorables Commissaires de la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,

- Excellences, Distingués Représentants des États parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,

- Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions Nationales des Droits de l'Homme,

- Mesdames et Messieurs les Représentants des Agences des Nations Unies,

- Mesdames et Messieurs les Représentants des organisations de la société civile et des médias,

- Mesdames et Messieurs les Représentants et le personnel des Institutions de l'Union africaine,

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

C'est avec un grand honneur et un profond sens du devoir que je me présente devant vous à l'occasion de cette 81ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, qui marque un tournant décisif.

Le rassemblement d'aujourd'hui n'est pas un simple moment dans le calendrier de notre Union ; il témoigne de notre engagement inébranlable envers les idéaux fondamentaux sur lesquels l'Union africaine a été fondée- la justice, l'égalité et la dignité inviolable de chaque Africain. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples est un défenseur essentiel de ces idéaux. Son mandat, confié par nos prédécesseurs dans la Charte africaine, est d'être la voix des opprimés, le défenseur des sans-voix et le bouclier contre les forces qui menacent la liberté et la dignité de nos peuples. Cette Commission a été, et continue d'être, une lueur d'espoir pour des millions de personnes à travers notre continent qui cherchent à vivre à l'abri de la peur, de la persécution et de l'injustice. En ouvrant cette session, nous sommes confrontés à la réalité d'un continent en mutation, où progrès et défis vont de pair. Au cours de l'année écoulée, nous avons assisté à des avancées inspirantes en matière de gouvernance démocratique, mais avons également été confrontés à de graves reculs dans le domaine des droits de l'homme. Les conflits et les déplacements de population, le rétrécissement des espaces civiques et les nouvelles menaces qui pèsent sur la liberté d'expression ont mis notre détermination à l'épreuve. Pourtant, notre foi dans le rêve africain - un continent où la paix, la prospérité et les droits de l'homme sont le droit de naissance de chaque citoyen - reste inébranlable. Cette session de la CADHP n'est pas une simple réunion de routine, c'est un appel à l'action. Le travail que vous accomplissez ici doit tenir compte de l'évolution et de la complexité du paysage des droits de l'homme en Afrique. Nous devons renforcer nos mécanismes de responsabilité, approfondir notre collaboration avec la société civile et veiller à ce que les droits de l'homme soient le fondement sur lequel reposent tous les autres aspects du développement et de la gouvernance.

Profitons de ce moment non seulement pour faire le point sur ce qui a été fait, mais aussi pour repenser ce qui pourrait être réalisé. Notre volonté collective, lorsqu'elle est galvanisée, a le pouvoir de changer le cours de l'histoire. Ensemble, nous devons poursuivre sans relâche notre quête d'un continent où les droits de toutes les personnes - indépendamment de leur statut, de leur genre, de leur appartenance ethnique ou de leurs croyances - sont protégés, respectés et réalisés.

Excellences, Distingués Délégués, Mesdames et Messieurs,

Alors que nous sommes réunis ici aujourd'hui, nous devons reconnaître à la fois les réalisations et les défis qui nous attendent dans le domaine des droits de l'homme et des peuples en Afrique. L'Union africaine a accompli des progrès considérables dans la consolidation de la paix, la promotion de la bonne gouvernance et l'avancement de la justice sociale. Toutefois, nous devons reconnaître en toute sincérité que le paysage des droits de l'homme sur notre continent est parsemé d'embûches. Au cours de l'année écoulée, l'Afrique a connu des progrès encourageants dans certaines régions. Nous avons assisté à des transitions pacifiques du pouvoir, à des efforts accrus en faveur de l'égalité des genres et à une augmentation de la participation des jeunes à la vie civique et politique. Ce sont des victoires pour nous tous, car elles reflètent les aspirations que nous partageons dans la construction d'une Afrique plus inclusive et plus démocratique. Des pays ont pris des mesures pour ratifier les principaux instruments internationaux en matière de droits de l'homme, tandis que d'autres ont créé ou renforcé des institutions nationales de défense des droits de l'homme. Pourtant, ces progrès coexistent avec des menaces constantes et émergentes qui pèsent sur la dignité et les droits de nos populations. Les spectres des conflits, du terrorisme et de l'extrémisme violent continuent de déchirer le tissu de nos sociétés, déplaçant des millions de personnes et leur infligeant des souffrances inimaginables. Dans de trop nombreuses régions de notre continent, les groupes armés opèrent en toute impunité et les civils subissent le poids de leurs atrocités. Cette situation remet directement en question les principes que nous avons juré de défendre. En outre, la pandémie de COVID-19, bien qu'en recul, a laissé de profondes cicatrices sociales et économiques. Elle a exacerbé les inégalités, creusé le fossé entre les riches et les pauvres et plongé des millions de personnes dans la pauvreté. Ce sont souvent les plus vulnérables - les femmes, les enfants, les réfugiés et les personnes handicapées - qui sont laissés pour compte, leurs droits et leurs moyens de subsistance étant mis à mal. Alors que nous travaillons à la reprise, nous devons veiller à ce que nos réponses soient ancrées dans les principes des droits de l'homme, en mettant l'accent sur l'équité et la justice.

Dans le même temps, la récession économique mondiale a mis à rude épreuve la capacité des États à fournir des services de base, exacerbant les tensions et, dans certains cas, conduisant à la répression et aux violations des libertés fondamentales. Nous avons constaté une augmentation alarmante des restrictions à la liberté d'expression, de réunion et de presse. Les voix mêmes qui défendent les droits de l'homme, la transparence et la responsabilité sont réduites au silence dans de trop nombreux endroits.

L'ère numérique, tout en ouvrant de nouvelles voies pour la croissance économique et la connexion sociale, a également présenté des défis uniques pour les droits de l'homme. Les espaces en ligne, censés favoriser le dialogue et l'innovation, sont de plus en plus utilisés pour diffuser des discours de haine, inciter à la violence et étouffer la dissidence. La cyber surveillance, les violations de la vie privée et l'utilisation abusive de la technologie à des fins politiques sont devenues des questions urgentes qui requièrent notre attention immédiate.

Au milieu de ces défis, nous ne devons pas perdre de vue l'une des forces les plus déterminantes pour les droits de l'homme et le développement durable : l'éducation.

Le thème de l'Union africaine pour 2024, « Éduquer et qualifier l'Afrique pour le XXIe siècle », nous rappelle le rôle central que joue l'éducation non seulement dans la stimulation de la croissance économique, mais aussi dans la sauvegarde de la dignité humaine. L'éducation est le fondement d'une culture des droits de l'homme. Elle permet aux individus d'acquérir les connaissances nécessaires pour faire valoir leurs droits, favorise l'esprit critique et cultive le sens du partage des responsabilités au sein des sociétés.

Cependant, trop d'enfants se voient encore refuser l'accès à une éducation de qualité. Des obstacles tels que la pauvreté, la discrimination fondée sur le genre, les conflits et les infrastructures obsolètes empêchent des millions d'entre eux de réaliser leur potentiel. Il s'agit là d'une question de droits de l'homme. Sans éducation, nous ne pouvons espérer construire une Afrique juste, équitable et prospère comme nous l'envisageons. C'est par l'éducation que nous pouvons démanteler les systèmes d'oppression, d'inégalité et d'injustice qui freinent notre continent. L'engagement de l'Union africaine en faveur de l'éducation doit se refléter dans notre programme en matière de droits de l'homme. Nous devons veiller à ce que chaque enfant africain ait accès à une éducation inclusive, équitable et de qualité, qui le prépare non seulement à la vie active, mais aussi à devenir un citoyen informé et engagé. Nos systèmes éducatifs doivent promouvoir une culture de la tolérance, du respect de la diversité et de la sensibilisation aux droits de l'homme. C'est par l'éducation que nous cultiverons la prochaine génération de dirigeants africains, des dirigeants qui s'engagent à défendre les principes de liberté, de justice et d'égalité.

La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a un rôle essentiel à jouer à cet égard. En intégrant l'éducation comme pilier de son mandat en matière de droits de l'homme, la Commission peut contribuer à combler le fossé entre le plaidoyer en faveur des droits de l'homme et les changements pratiques et transformateurs sur le terrain. Nous devons donner à nos jeunes les outils dont ils ont besoin pour construire un avenir où les droits de l'homme ne sont pas seulement des aspirations, mais des réalités pour tous les Africains.

Cependant, le succès de cette Commission ne peut reposer sur ses seules épaules. Elle exige la volonté collective de tous les États membres de l'Union africaine, de la société civile, des organismes régionaux et du secteur privé. Ce n'est que grâce à un véritable partenariat que nous pourrons espérer relever ces défis.

Excellences, Distingués Délégués, Mesdames et Messieurs,

La protection des droits de l'homme ne relève pas de la seule responsabilité des gouvernements ou des institutions. Il s'agit d'une entreprise commune. Les organisations de la société civile, les militants et les médias doivent avoir les moyens de jouer leur rôle essentiel en demandant des comptes aux gouvernements, en plaidant pour la justice et en soutenant les communautés vulnérables. Ils doivent travailler dans un environnement exempt de toute crainte de représailles ou de restrictions.

L'Union africaine reconnaît l'importance de ces acteurs et s'engage à approfondir son partenariat avec eux. Nous devons créer davantage d'espaces de dialogue et de collaboration, en veillant à ce que les différentes voix - en particulier celles des groupes marginalisés - soient entendues et prises en compte dans nos politiques. Nous devons également renforcer notre coopération avec les partenaires internationaux et les mécanismes de protection des droits de l'homme, en alignant nos efforts sur les normes mondiales tout en gardant à l'esprit le contexte unique de l'Afrique.

Pour véritablement faire progresser l'agenda des droits de l'homme en Afrique, nous devons faire preuve d'audace dans notre vision et d'acharnement dans notre quête de justice. Nous devons renforcer les institutions nationales de défense des droits de l'homme, soutenir le pouvoir judiciaire et veiller à ce que l'État de droit soit respecté à tous les niveaux. Nous devons créer une culture de la responsabilité, où ceux qui violent les droits de l'homme soient traduits en justice et où l'impunité ne soit plus tolérée.

À cet égard, j'appelle tous les États membres de l'Union africaine à renouveler leur engagement en faveur de la mise en oeuvre intégrale de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. N'oublions pas que ce document représente nos valeurs et aspirations communes pour un continent pacifique, prospère et respectueux des droits. Ses principes ne doivent pas seulement être des mots sur le papier, mais des actions qui se reflètent dans la vie de nos peuples.

Excellences, Distingués Délégués, Mesdames et Messieurs,

Alors que nous démarrons cette session, je suis convaincu que les discussions, les résolutions et les actions qui résulteront de ce forum nous rapprocheront un peu plus de l'Afrique à laquelle nous aspirons tous, un continent uni dans son engagement en faveur de la dignité humaine et de la justice.

Avant de conclure, je voudrais exprimer ma profonde gratitude à la Commission africaine pour ses efforts inlassables en vue de sauvegarder les droits de nos citoyens. Votre travail est inestimable et votre dévouement témoigne des valeurs qui nous sont chères en tant que continent. J'exprime également ma gratitude à tous nos partenaires, tant en Afrique qu'au niveau international, qui continuent à soutenir notre mission collective en faveur d'une société juste et équitable.

Enfin, repartons d'ici aujourd'hui avec un sentiment renouvelé d'utilité. Le chemin à parcourir est peut-être long et semé d'embûches, mais ensemble, nous sommes plus forts. Ensemble, nous pouvons surmonter les obstacles qui se dressent sur notre route. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où les droits de l'homme ne sont pas seulement des mots, mais des réalités vécues par tous les Africains, quelles que soient leur origine, leur genre ou leurs situations.

Poursuivons ce travail important avec courage, unité et espoir. L'avenir de l'Afrique en dépend.

Je vous remercie tous.

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