Cela fait plus de quatre mois que onze figures de la scène politique malienne sont en prison. Membres de la « Déclaration du 31 mars » pour le retour à l'ordre constitutionnel, ils avaient été arrêtés le 20 juin 2024 et sont poursuivis notamment pour « opposition à l'exercice de l'autorité légitime ». Ils s'étaient réunis au domicile de l'un d'entre eux alors que les activités politiques des partis et associations du Mali étaient officiellement suspendues. Le parquet s'oppose à leur libération provisoire, les négociations politiques initiées n'ont rien donné.
« On nous mène en bateau », se désole un membre de la « Déclaration du 31 mars ». Les tentatives de médiation, entreprises auprès des ministères de la Justice et de l'Administration territoriale notamment, semblaient prometteuses : « trois fois, on a cru la libération proche, mais trois fois, il ne s'est rien passé », s'agace cette source, qui estime aujourd'hui que les autorités de transition cherchent à « gagner du temps ».« Ils préparent une charte nationale pour la réconciliation, peut-être qu'ils attendent d'avoir terminé, pour donner l'impression de faire un geste au moment qui les arrangera, s'interroge cette source, ou peut-être même qu'ils attendent d'organiser des élections ».
Des hypothèses qui soulignent surtout le désarroi des proches de ces onze anciens ministres et dirigeants de partis, répartis dans trois prisons à travers le Mali.
« Notre justice est-elle assez libre ? »
Le blocage est aussi judiciaire : le 19 septembre, il y a plus d'un mois, le procureur s'est opposé à la mise en liberté des onze, que venait d'ordonner le juge d'instruction en charge de l'affaire.
L'examen de cette demande de libération provisoire, dans l'attente d'un procès pour lequel aucune date n'a encore été fixée, incombe désormais à la Cour d'appel. Mais l'audience n'est toujours pas programmée. « Le problème, explique un avocat de la défense, c'est que la loi ne prévoit aucun délai précis, et on dirait qu'ils font tout pour retarder les choses. Nous espérons quand même pouvoir plaider bientôt. Juridiquement, ils doivent être libérés, estime encore l'avocat, et sur le fond, c'est un dossier purement politique, mais notre justice est-elle assez libre, indépendante et courageuse pour dire le droit ? »
Trois minutes de pause
Au sein des organisations signataires de la Déclaration du 31 mars, certains souhaitent désormais changer de stratégie en organisant des actions publiques, peut-être une conférence de presse, pour rallier le soutien de l'opinion malienne. Le Mouvement Reconstruire - Baara ni yiriwa, de Mahamadou Konaté, et le parti Yelema de l'ancien Premier ministre Moussa Mara, appellent déjà les Maliens à observer « trois minutes de pause » lundi prochain à 11 heures « pour prier ou faire un message en faveur de la libération de tous les prisonniers d'opinion. »
Car les onze cadres politiques de la « Déclaration du 31 mars » sont loin d'être les seuls dans ce cas : le chroniqueur radio Ras Bath, l'influenceuse Rose vie chère, le militant associatif Clément Dembélé ou encore l'économiste Étienne Fakaba Sissoko sont tous en prison, condamnés ou dans l'attente d'être jugés, après avoir tenu des propos apparemment trop critiques des autorités de la Transition.