Madagascar: «Les données sont effrayantes» - Alerte sur la propagation du VIH

La 20ème édition du colloque VIH de l'Océan Indien s'est achevée jeudi à Antananarivo. Les médecins, personnels soignants, autorités, bailleurs se sont réunis une dernière fois pour établir plusieurs constats et proposer des solutions face à l'épidémie de sida. L'occasion de mettre un coup de projecteur sur des réalités très alarmantes à Madagascar et chez certaines de ses îles voisines.

Les projections estiment à 76 000 le nombre de Malgaches infectés par le VIH en 2024. Les experts rencontrés au colloque sont bien plus pessimistes. « Il s'agit d'une projection basse. De ce que l'on voit sur terrain, ce chiffre est au moins deux fois plus élevé », affirme-t-on.

« Le manque de données donne l'impression qu'il n'y a pas de problème, mais c'est faux ! Et si on ne fait rien, il y aura bientôt une explosion dans le pays comme on a vu en Afrique du Sud, Tanzanie, Eswatini ou Botswana », alerte Jude Padayachy, directeur de l'Onusida à Madagascar, aux Comores, aux Seychelles et à Maurice.

« Le peu de données qu'on a sont effrayantes », poursuit-il. « Par exemple, on a dépisté 1 300 étudiants de l'université de Tamatave le mois dernier et 1,33% d'entre eux sont infectés. A l'université de Majunga, c'est 1,4%. A Ambanja, on a fait le dépistage de femmes enceintes dans une clinique et 10% d'entre elles étaient porteuses du VIH. C'est grave ! Si rien ne change, on va avoir un gros, gros souci à Madagascar dans les années qui viennent. »

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« Pas assez de tests pour répondre aux besoins »

Sur l'île, les tests de dépistage sont censés être gratuits et disponibles dans tous les centres de santé de base, confirme le représentant de l'Onusida. Mais la réalité est bien différente : « Il n'y a pas assez de tests pour répondre à tous les besoins », concède Jude Padayachy.

Aussi, les médecins - à commencer par Dr Catherine Gaud, immunologiste et fondatrice du colloque - ont plaidé ouvertement auprès des autorités et des bailleurs pour un approvisionnement urgent et massif de l'île en tests de dépistage au VIH.

« Madagascar a été oublié parmi les pays de l'Afrique. Pourtant, le dépistage, c'est un point essentiel, c'est le début de la prise en charge. Si vous ne vous savez pas séropositif, vous ne pouvez pas bénéficier d'une prise en charge et des traitements. Et quand vous n'avez pas de traitement, vous mourez », lance la médecin.

Propagation des drogues par voie intraveineuse

Autre situation inquiétante, dans tout l'Océan indien cette fois, et soulevée durant le colloque : la propagation de la prise de drogues par voie intraveineuse - héroïne et nouvelles drogues de synthèse, propice à la transmission du VIH et de l'hépatite C.

« On ne sait pas exactement combien il y a d'usagers de drogues, mais si on ne s'en occupe pas maintenant, ça va devenir un énorme problème comme ça l'est déjà aux Seychelles et à Maurice. On a des exemples probants juste à côté de Madagascar. Les Seychelles sont le pays où l'usage de drogue est le plus important au monde puisque 10% de la population seychelloise est atteinte par cette maladie chronique », rappelle l'immunologiste.

Lors de la cérémonie de clôture jeudi soir, les différents acteurs de la lutte se sont entendus pour « redynamiser leur réponse contre le VIH » dans toute la région. Les résultats de l'enquête nationale sur la prévalence du VIH chez les femmes enceintes, menée actuellement par le ministère de la Santé, devraient être connus au premier trimestre 2025. Ils devraient permettre de donner de bons indicateurs pour orienter la stratégie de lutte contre l'épidémie sur le sol malagasy.

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