Ile Maurice: Vers une exploitation commerciale à l'ombre des engagements ?

Lors du congrès de l'Alliance Lepep à Vacoas mercredi soir, le leader du Parti mauricien socialdémocrate, Xavier Luc Duval, a annoncé avec enthousiasme la construction d'hôtels sur les îles Chagos, évoquant ainsi un potentiel développement économique. Cette déclaration n'a pas manqué de susciter de vives interrogations quant aux modalités de réalisation de ce projet. Quelles démarches seront entreprises ? Qui sera chargé de cette initiative ? Les doutes sont nombreux, surtout après les promesses passées pour le développement à Agalega, qui sont souvent restées lettre morte.

Milan Meetarbhan, avocat spécialisé en relations internationales, ancien ambassadeur à l'Organisation des Nations unies et chargé du dossier Chagos pendant quelques années, se demande si les conditions géographiques et financières sont réunies pour la viabilité d'un tel projet. «L'accord politique entre la Grande-Bretagne et Maurice prévoit qu'il y aura une Marine Protected Area (MPA) autour des Chagos. Si le gouvernement mauricien a déjà pris cet engagement, dans quelle mesure est-ce que l'exploitation commerciale des îles de l'archipel seront toujours compatibles avec les dispositions du régime de la MPA?», s'interroge Milan Meetarbhan.

Le 29 février, Agaléga a célébré l'inauguration d'une nouvelle piste d'atterrissage de 3 km, ainsi que des infrastructures aéroportuaires modernes et un quai capable d'accueillir des bateaux de plus de 200 mètres. Cependant, malgré ces avancées, aucun vol commercial n'est encore prévu. En cas de nécessité, les déplacements aériens sont assurés par le Dornier, un avion de la National Coast Guard, qui est utilisé pour des évacuations d'urgence sur l'île. Il est important de se rappeler qu'il y a deux mois, les élèves du School Certificate ont rencontré d'énormes difficultés pour venir à Maurice afin de passer leurs examens.

Nombre d'entre eux ont dû voyager par bateau ou attendre un vol d'urgence. Chaque année, les promesses d'amélioration des conditions de vie des Agaléens et de développement de l'île se multiplient. Cependant, la réalité demeure décevante. La récente annonce de la construction de nouveaux hôtels soulève des interrogations, alors que le rétablissement des Chagossiens sur l'île reste un sujet sensible et incertain. La communauté chagossienne se demande si ces projets bénéficieront réellement à la communauté locale ou s'ils serviront uniquement des intérêts externes.

Milan Meetarbhan rappelle que ces dernières semaines, plusieurs dirigeants de l'Alliance Lepep avaient évoqué les milliards à venir de la «vente» des droits souverains sur Diego Garcia. Cependant, il convient de rappeler que le dossier Chagos est actuellement instrumentalisé en outil politique, sans aucun accord formel signé ou ratifié par le Parlement britannique concernant le montant qui sera versé à Maurice. Les autorités britanniques, dit-il, ont clairement indiqué que les négociations débuteront uniquement après les élections du 10 novembre. Cette situation, pour Milan Meetarbhan, soulève une question cruciale : l'Alliance Lepep vend-elle la peau de l'ours avant de l'avoir tué ? Et d'ajouter : «Cette alliance devrait se rappeler de l'adage, 'Don't count your chicken before they hatch'. Est-ce qu'il y a déjà un accord secret (qui n'a pas été révélé dans le communiqué du Foreign Office) sur la somme qui sera payée à Maurice ? Ou alors on assiste à une campagne d'intox pour leurrer les électeurs ?»

Le constitutionnaliste est d'avis que si un Premier ministre évoque un montant de plusieurs milliards, il semble devancer son interlocuteur britannique, qui a pourtant déclaré qu'aucun chiffre relatif aux bases militaires à l'étranger ne sera divulgué. «Au cas où Xavier-Luc Duval sait qu'il y a déjà un accord sur des paiements faramineux, c'est que Pravind Jugnauth a partagé cette information avec son allié mais pas avec le leader de l'opposition ou le Parlement», dit-il.

En ce qui concerne la construction d'hôtels sur les petites îles des Chagos, Milan Meetarbhan estime qu'il est essentiel de se demander si les conditions géographiques et financières sont réunies pour la viabilité d'un tel projet. D'autant plus qu'un accord entre la Grande-Bretagne et Maurice stipule qu'une MPA sera établie autour des Chagos. «Si le gouvernement mauricien s'est déjà engagé dans ce sens, dans quelle mesure est-ce que l'exploitation commerciale des îles de l'archipel ssera toujours compatible avec les dispositions du régime de la MPA ? En d'autres termes, la construction d'hôtels et d'autres activités économiques seront-elles permises dans le cadre de cette MPA ?», s'interroge Milan Meetarbhan.

Nous avons aussi tenté d'obtenir l'avis d'Olivier Bancoult, leader du Chagos Refugees Group, sur ce sujet. Cependant, celui-ci nous a fait comprendre qu'il ne pourra nous parler, étant pris par d'autres engagements.

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