Après avoir vu les images terribles de la violence infligée à Longue Longue, un voile de résignation s'est abattu sur nous tous. Bien que cet artiste ait pu être perçu comme un adversaire par certains, la torture ignoble qu'il a subie nous déshonore profondément en tant que Camerounais.
Voir un artiste, qui a souvent défendu avec ferveur l'honneur du Cameroun et de l'Afrique, réduit à une telle humiliation nous a bouleversés. Même ceux qui, jadis, étaient en désaccord avec lui ont été émus par cette épreuve. Longue Longué avait décrit, dans ses mots, la douleur qu'il avait traversée, mais ces paroles semblaient insuffisantes pour en saisir l'ampleur. Il a fallu que la vidéo soit diffusée pour que chacun réalise l'horreur de la situation. Malgré cela, le chanteur a retrouvé sa voix, son droit d'expression.
Il est revenu sur le devant de la scène, s'affichant aux côtés des hommes du pouvoir, honorant des concerts et renouant même des liens avec certains de ceux qui lui avaient fait du mal. Comme il l'a si souvent chanté, Dieu était à ses côtés. C'est cette foi qui l'a préservé, qui l'a maintenu en vie. On peut seulement imaginer le sort de ceux qui n'ont pas eu cette retenue et qui ont parlé, lorsque leur demandait qui les envoyait, ceux-là n'ont pas survécu, car on efface souvent les traces de la vérité trop brutale. Aujourd'hui, nous sommes orphelins d'icônes politiques. Pourtant, loin de décourager ceux qui se lancent dans cet immense défi, nous devons continuer à rêver d'un Cameroun radieux, un rêve qui semble aujourd'hui nous échapper. Nous avons été et sommes encore porteurs d'un humanisme exemplaire.
Il nous faut éviter de plonger dans les ténèbres qui menacent de nous engloutir, dans cet abîme où la douleur se renouvelle inlassablement. Notre histoire est poignante. Le camerounais, dans son essence même, n'a pas d'affinité avec la torture. C'est un grand pays avec un vaste territoire, des grands hommes valeureux, entourée d'une nature qui demeure douce, généreuse, offrant le vent, le soleil, et l'air sans rien exiger en retour. Nous traversons une crise profonde, mais l'identité camerounaise reste une identité d'hospitalité, de solidarité et de paix. On tente de nous imposer la violence comme norme, mais il est impératif de préserver en nous cette lumière qui nous distingue. Le Cameroun est un pays de lumière, un symbole de rayonnement. Et sur ce chemin de paix, que nous portons comme un flambeau, la violence ne triomphera jamais.
L'apologie de la violence qui se propage aujourd'hui est effrayante. En tant qu'enseignant, il est de plus en plus difficile d'expliquer aux enfants pourquoi de tels gestes existent, pourquoi des êtres humains peuvent traiter d'autres êtres humains avec une telle cruauté, alors même qu'ils ont des frères, des parents, des enfants chez eux. Longue Longué, de son vivant, entre dans le panthéon des martyrs. Je conseille toujours à ceux qui choisissent la violence comme mode de vie de réfléchir, car un jour, elle pourrait bien se retourner contre eux. Sur cette terre, il est difficile de dominer la violence sans finir par en être victime. Il est essentiel de préserver sa mémoire et de ne pas laisser la violence devenir notre héritage, car si c'est le cas, alors nous aurons tout perdu et malgré tout, je demande à cet artiste de ne jamais perdre espoir.