La galerie a l'air étrange d'un univers parallèle, dépouillé, ascétique, où seule la couleur première a droit de cité. Pas de fioriture, pas d'image non plus que de forme. Des toiles géométriques, symétriques, uniformes, faites, semble-t-il, pour contenir, cerner, limiter tout débordement, toute fantaisie.
Là est l'univers de Selim ben Cheikh. Un univers de contemplation, de méditation, où l'artiste est en retrait, et où toute liberté est offerte à la peinture comme organisme vivant, autonome.
Lui se veut le semeur, celui qu'il a découvert chez Victor Hugo ou Millet. Celui qui sème à tous vents et attend la récolte, n'ayant aucun pouvoir sur elle, et la confiant au hasard, à la chance et à la convergence des éléments.
Selim ben Cheikh se livre au bon vouloir de la toile, de l'aérosol, de la peinture et de la gravité. De la précision de son geste, de l'accueil de la toile, de la fluidité de la peinture, du hasard des coulées naîtra une oeuvre aléatoire dont il faudra attendre avec patience le résultat. La récolte sera-t-elle bonne ? Une fois le geste achevé, l'artiste n'a plus de pouvoir sur l'oeuvre. Il entre dans le temps de la patience.
« Dans mon rapport à la peinture en aérosol, je ne suis pas dans le besoin de faire les choses rapidement. Loin de là, je sème la peinture à l'horizontale, je la laisse décanter, elle se répand sur la toile grâce à la gravité et c'est là que je vois si ma récolte a été bonne ou pas». Il est le peintre semeur de poussières et de couleurs.