Prévue pour ce mois d'octobre et ce jusqu'au début novembre prochain, l'exposition-photos "Le fantôme de la Corniche", dernière oeuvre de l'artiste, a été repoussée à une date ultérieure. Nouvelle aventure photographique, nouvelle démarche artistique où l'intemporel photographe joue de façon subtile avec la saturation, la densité et la nuance des couleurs... Une chose est sûre, vous en prendrez plein la vue.
Rassurez-vous. L'artiste ne filme ni ombres, ni silhouettes, ni fantômes à la Corniche, il s'intéresse plutôt aux noctambules lecteurs qui assiègent ce site touristique transformé en une bibliothèque vespérale. Ces envahisseurs munis de torches, d'ampoules et de téléphones, utilisés de façon atypique (accrochée au franc sur une casquette, ou sur un poteau) lisent jusqu'aux indues sans être inquiétés.
Pas d'exigence, l'entrée est libre! En solo, en duo et parfois en groupe, tout le monde se fait une place. Assis, debout, ou encore en mouvement, les lecteurs lisent à leur rythme grâce à la faible lumière que laisse échapper les lampadaires aux bords du fleuve. Une bibliothèque illimitée ou le lecteur se meut à sa guise : assis sur le trottoir, les rampes et pavés. De ces lectures, des amitiés se sont noués et y aurait même de l'amour dans l'air comme le souligne l'artiste.
Observateur de son environnement, Baudouin a une fois de plus réussi à nous séduire par son authenticité et sa démarche quasi anthropologique, où il dévoile de vraies scènes de vie constituées par l'ensemble de ces personnes qu'il prend nullement au hasard puisqu'il retranscrit l'histoire de chaque lecteur dans cette gigantesque bibliothèque de la Corniche.
Ainsi, Le fantôme de la Corniche n'est pas une exposition sombre, bien au contraire, c'est un ensemble de photos magnifiques prises à la tombée de la nuit où l'artiste sublime les personnages grâce à une dualité de couleurs ou le fond noir contraste avec des couleurs chaudes dues à la lumière de la nuit. On tombe sous le charme de ces personnages captivés par la lecture et qui sont en réalité inoffensifs. Vous l'aurez compris, il ne s'agit pas de fantômes, mais plutôt des écoliers et étudiants qui révisent à la Corniche à cause des coupures d'électricité récurrentes à Brazzaville. Des superbes prises qui séduiront sans aucun doute les visiteurs puisque chaque image est unique, porteuse d'une histoire ; relevant à la lumière le moindre détail. Ainsi elle saisit, éclaire et magnifie les lieux que le photographe investit.
Enfin, Le fantôme de la Corniche est loin d'être une simple présentation de ces lecteurs, elle pose un problème social grave, celui des coupures intempestives de l'électricité qui poussent beaucoup d'écoliers et universitaires à aller vers cette bibliothèque inhabituelle. "En raison des incessantes coupures de courant, les jeunes étudiants dès la nuit tombée vont réviser leurs leçons à la lumière des lampadaires. Les grandes artères de la ville, comme les espaces publics : aéroport, ronds-points, jardins, cimetières, le soir... À la maison, rien ne marche, le bruit intempestif des casseroles, le manque d'électricité ou le délestage empêchent de se concentrer et obligent à aller à la recherche d'un abri qui offre lumière et calme." Explique le photographe.