Du panel organisé le 24 octobre 2024 au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire, dans le cadre de la première édition des Journées du caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire, il ressort que les pays producteurs s'inquiètent de l'entrée en vigueur des normes européennes pour une agriculture durable. Ce, même si initialement prévue pour 2025, la mesure sera finalement repoussée dès 2026.
Au cours de la discussion, le Ghanéen, Emmanuel Akwasi Owusu s'est plaint de ce que l'Union européenne n'ait pas impliqué suffisamment les pays producteurs dans l'élaboration des normes susmentionnées. Il a notamment relevé la non-connaissance par le législateur et le politique européen de la complexité du système d'exploitation foncière dans son pays. Par exemple, un contrat de métayage ou de fermage n'est pas forcément établi ou mis en oeuvre comme en Europe, a-t-il indiqué.
La nigériane, Dr Lelia Dongo, a fait savoir qu'en plus de la non prise en compte des réalités sociétales des pays producteurs, la partie européenne tend à exagérer un peu trop la question de la déforestation. Elle a ajouté que l'industrie pétrolière, plus polluante, subit moins de pression parce qu'elle génère des ressources astronomiques. Son assertion a rencontré l'adhésion de Dr Aziz Bin Sheikh Kadir, secrétaire général du Conseil international de la recherche et le développement sur le caoutchouc. Le chercheur a indiqué que la destruction de la forêt amazonienne et les nombreux incendies qui ravagent quasi-annuellement des millions d'hectares dans plusieurs pays occidentaux sont plus préoccupantes que l'impact de la production hévéicole sur la faune et la flore. Et d'ajouter que les petits producteurs qui produisent environ 95 % du caoutchouc naturel ne disposent pas de moyens de se procurer les intrants dont les fertilisants pour produire de façon intensive.
Pour sa part, la Libérienne, Williemina Mulbah Siaway, a souligné les efforts consentis par les Etats ouest-africains en général et son pays en particulier dans la surveillance de aires protégées. Elle a aussi fait savoir que 31 % des petits producteurs ont accès au marché international parce que respectant les normes de durabilité. Dans le même ordre d'idée, l'Ivoirien Lamine Sanogo, président du collège des usiniers, a fait savoir que 30 % de la production locale respectent les standards européens. Toutefois, il se demande qui paiera la facture de la mise aux normes européennes de la production locale, durant le temps de report de l'entrée en vigueur de la mesure.
A l'instar des autres représentants africains, Lamine Sanogo a fait savoir que des semences améliorées nécessitant moins d'humidité, réalisables dans les zones Nord existent. Elles peuvent entrer en production au bout de huit ans - contre six ans maximum pour les semences des zones forestières - si les normes européennes ne s'y opposent pas.
Pour rappel, l'hévéa figure parmi les six spéculations agricoles ciblées par les normes européennes pour une agriculture durable. La Côte d'Ivoire en est le premier producteur africain et troisième mondial. En plus, Il est à noter qu'avec une production de 1 678 000 tonnes de caoutchouc sec en 2023, l'hévéaculture est dans le Top 3 des spéculations agricoles du pays, et les producteurs villageois - qui ne disposent pas forcément des moyens de respecter les normes européennes - apportent au moins 85% de la production nationale.