Depuis son apparition dans le paysage politique il y a un peu plus d'une semaine, Missie Moustass - corbeau virtuel à l'impressionnante pilosité labiale - a volé la vedette, durant cette campagne électorale, à certains candidats qui brigueront les suffrages.
Il a déclenché un véritable branle-bas de combat. Du côté de l'Alliance Lepep, chacun se lance dans des interprétations du contenu de ses bandes sonores, tandis que l'opposition dénonce un scandale sans précédent, et les extra-parlementaires exigent des versions non éditées, réclamant chaque détail audio comme autant de brins de preuves.
Quant à la population, elle suit passionnément les publications de ce personnage à la moustache style «gro take bwat siraz», que les autorités tentent tant bien que mal de raser mais sans succès. Car sur la Toile, Moustass trouve toujours le moyen de repousser ailleurs. Ses pages ayant été bannies de Facebook, puis de TikTok, il réapparaît, telle une barbe naissante, sur YouTube, ou alors il crée d'autres comptes sur TikTok. Sa popularité est telle que de nombreux Mauriciens ont changé leur photo de profil pour adopter la sienne, alors que d'autres comptes inspirés de lui poussent chaque jour ici et là. Jusqu'à présent, son identité alimente toutes les spéculations et chacun y va de sa thèse et de son hypothèse, pas toujours au poil.
Vendredi, le conseil des ministres a même décidé de créer une commission d'enquête pour faire toute la lumière sur «l'utilisation présumée abusive des infrastructures de télécommunications et la publication et diffusion alléguées de conversations téléphoniques sur les réseaux sociaux et autres plateformes». Cette commission sera présidée par un ancien juge, épaulé de deux assesseurs, experts étrangers, venus avec la promesse d'une enquête bien taillée pour raser les zones d'ombre.
Cependant, les termes de référence ne sont pas encore connus, laissant le mystère bien en place et la moustache de Missie Moustass intacte. Le principal intéressé, imperturbable, a publié une nouvelle vidéo hier, ajoutant un brin de poil à gratter pour faire grimper la tension au sein du camp du gouvernement sortant. Malgré toutes ces publications, à hier, il demeurait un spectre caché derrière une touffe bien garnie, tout comme sa moustache parfaitement sculptée, floutant son identité.
Par ailleurs, lors d'un rassemblement à Mahébourg, par exemple, mais aussi ailleurs, Pravind Jugnauth a fait remarquer que les fuites ont débuté le jour même où Sherry Singh a rencontré Navin Ramgoolam, sous-entendant ainsi que Missie Moustass ne serait autre que l'ancien CEO de Mauritius Telecom (MT). Rama Valayden a lui aussi fait part de ses soupçons : il pense que l'ancien CEO de MT pourrait être impliqué. Sherry Singh a balayé ces accusations d'un revers, affirmant que les bandes sonores, comme celles concernant l'accident d'Adrien Duval, ont été enregistrées après son départ. D'ailleurs, s'il y avait des preuves contre Sherry Singh, gageons qu'il aurait déjà été arrêté. Cependant, la bandeson publiée hier dans la matinée, qui tend à donner une bonne image du «Maharaja», qui aurait refusé de ralentir la vitesse de connexion Internet durant les échauffourées liées aux prix des carburants en avril 2022, ajoute de l'eau au moulin de ceux qui disent qu'il y a sa «patte» dans tout cela...
Les théories se multiplient tout de même : certains croient que Missie Moustass serait un agent des forces de police, ou tout du moins quelqu'un nourrissant un ressentiment certain envers le commissaire Anil Kumar Dip. Lors d'un congrès de l'Alliance du changement vendredi, Reza Uteem a même suggéré qu'il pourrait s'agir d'un membre du National Security Service, ou encore de la Counter Terrorism Unit. D'autres affirment que, de sa tanière hors de Maurice, il publie sans crainte, apparaissant et disparaissant à chaque blocage comme un fantôme, sa moustache brouillant les données permettant aux autorités de l'identifier.
En attendant, malgré ces théories, qu'elles soient crédibles, farfelues, ou teintées de complotisme, Missie Moustass court toujours. Dans la bande annonce qui précédait la publication des bandes sonores il affirme qu'il est «enn simp fonksioner ki fer parti enn inite sekre» qui ne souhaite plus se taire et montrer le visage de certaines personnalités, tout en dénonçant le fait que des citoyens aient été placés sur écoute. En tout cas, sa moustache fait trembler ses détracteurs et il continue à mener le jeu, un poil en avance sur ses poursuivants...